Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/433

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Le petit chevalier, avec beaucoup de vivacité, mais non sans peine, se mit à traîner sa chaise vers le côté de la cheminée où Julien était assis, et réussit enfin à se rapprocher de lui, témoignant par là une cordialité toujours croissante.

« Vous dites bien, monsieur Peveril, reprit-il, et j’ai montré que je savais comment il fallait se conduire dans l’un comme dans l’autre cas. Oui, monsieur, il n’y avait pas une seule chose que ma très-royale maîtresse, Henriette-Marie, pût me demander, que je ne fusse prêt à la satisfaire ; j’étais son serviteur juré, à la guerre comme dans une fête, en bataille rangée comme à un banquet. À la requête particulière de Sa Majesté, je consentis un jour à devenir, pour un certain temps, l’habitant de l’intérieur d’un pâté. — D’un pâté ! » dit Julien, quelque peu surpris.

« Oui, monsieur, d’un pâté. J’espère que vous ne trouverez rien de risible dans ma complaisance ? » répliqua le nain d’un ton comme fâché.

« Oh ! non, monsieur, je ne suis guère disposé à rire maintenant. — Et je ne l’étais guère non plus lorsque je me trouvai emprisonné dans une énorme pièce de pâtisserie de dimension peu ordinaire, comme vous devez croire, puisque je pouvais m’y coucher de toute ma longueur, et que je fus, pour ainsi dire, enseveli entre des murailles de croûte épaisse et sous un large couvercle également de pâte, assez vaste pour qu’on y pût graver l’épitaphe d’un officier général ou d’un archevêque. Monsieur, malgré les précautions qu’on avait prises pour me donner de l’air, je ressemblais, beaucoup plus que je ne l’eusse imaginé, à un homme enterré vivant. — Je le crois bien, monsieur. — Au reste, monsieur, il y avait peu de personnes dans le secret, qu’on avait résolu de bien garder pour le grand amusement de la reine ; et moi, pour la divertir, je me serais blotti dans une coquille de noix, si la chose eût été possible. Donc, comme je vous disais, peu de personnes se trouvant être du complot, il y avait des accidents à craindre. J’appréhendais, au fond de ma ténébreuse cachette, que quelque domestique maladroit ne me laissât tomber, comme j’ai vu souvent la chose arriver aux pâtés de venaison, ou bien qu’un convive, pressé par la faim, n’anticipât le moment de ma résurrection en plongeant un couteau dans la croûte de dessus. Et quoique je fusse armé de pied en cap, jeune homme, ainsi que ç’a toujours été mon habitude de l’être en cas de péril, cependant, si un téméraire avait enfoncé trop avant la main dans les entrailles du prétendu pâté,