Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/44

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Après avoir prononcé ces mots de l’air d’une victime plutôt que du convive d’une joyeuse fête, le major embrassa sa petite fille, prononça sur sa tête une bénédiction solennelle, et reprit le chemin de Moultrassie-House.



CHAPITRE III.

LE TROUPEAU BIENVENU.


Il ne manque ici ni bouches ni appétit ; prions le ciel qu’il ne nous manque non plus ni chère ni joie.
Vieille Comédie.


Même dans les occasions ordinaires, et avec d’amples moyens pour traiter et recevoir, une grande fête, à l’époque dont il est question, n’était pas une sinécure comme au temps actuel, où la dame qui préside n’a besoin que d’indiquer à ceux qui sont sous ses ordres le jour et l’heure où elle veut que la fête ait lieu. À cette époque donc, où les mœurs étaient simples et modestes, la maîtresse de la maison entrait profondément dans tous les détails d’une telle affaire ; et du haut d’une petite galerie qui communiquait avec son appartement, et qui avait vue sur la cuisine, on entendait sa voix, semblable à celle de l’esprit qui avertit le matelot pendant la tempête, s’élever au-dessus du bruit des pots, des terrines, des broches, des couperets et de tout le fracas qui accompagne ordinairement les préparatifs d’un somptueux festin. Mais tous ces soins, tous ces embarras furent plus que doublés à l’approche de la fête qui allait avoir lieu à Martindale-Castle, où le génie qui y présidait était à peine pourvu des moyens suffisants pour mettre à exécution son projet hospitalier. La conduite tyrannique des maris, en pareil cas, est toujours la même ; et je ne sais si, parmi toutes mes connaissances, j’en pourrais citer un qui n’ait été assez mal inspiré pour annoncer tout à coup à sa douce moitié, dans le moment le plus inopportun ; qu’il a invité


Quelque odieux major à venir à six heures,


au risque de déconcerter grandement la maîtresse du logis, et de discréditer ses arrangements domestiques.

Peveril du Pic était encore plus imprévoyant, car il avait chargé sa femme d’inviter tout le voisinage à venir faire bonne chère au château de Martindale, en l’honneur de la bienheureuse restauration de Sa très-sacrée Majesté, mais sans lui expliquer