Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/46

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comment sa femme se procurerait le bœuf et le mouton nécessaires pour fêter ses voisins.

Heureusement pour elle, il existait quelqu’un qui possédait assez de présence d’esprit pour prévoir cette difficulté. Au moment où elle venait de prendre la résolution pénible d’emprunter du major Bridgenorth la somme indispensable pour exécuter les ordres de son mari, et tandis qu’elle gémissait amèrement sur cette circonstance, qui la forçait de se départir de ses principes habituels d’économie, l’intendant, qui, depuis la nouvelle du débarquement du roi à Douvres, n’avait pas toujours été d’une sobriété absolue, se présenta tout à coup dans l’appartement, faisant claquer ses doigts, et se laissant aller à des démonstrations de joie qui n’étaient pas tout à fait d’accord avec la dignité du salon de lady Peveril.

« Que signifie cela ? Whitaker, » demanda-t-elle avec un peu d’aigreur, car elle se trouvait interrompue au milieu d’une lettre qu’elle écrivait à son voisin au sujet de l’emprunt qu’elle était forcée de lui faire ; « serez-vous toujours le même ? rêvez-vous ? — Si c’est un rêve, milady, c’est un rêve de bon augure, j’ose le dire, » répondit l’intendant en faisant de la main un geste de triomphe ; « un songe bien autre que celui de Pharaon, ma foi ! bien que, comme dans le sien, j’aie vu des vaches grasses. — Je vous prie de parler clairement, reprit milady ; sinon, envoyez chercher quelqu’un qui soit en état de parler convenablement. — Sur ma vie, milady, le sujet de mon message parle de lui-même. Ne les entendez-vous pas bêler et mugir ? Oui ! milady, une paire de bœufs gras de la plus belle espèce, et dix moutons de première qualité ! Voilà le château ravitaillé pour cette fois ; qu’ils commencent l’assaut quand ils voudront, et Gatheril n’en conservera pas moins ses bœufs de labourage. »

La dame, sans faire de plus amples questions à l’intendant que la joie exaltait, se leva, et courut à la fenêtre, d’où elle aperçut effectivement les bœufs et les moutons qui causaient les transports de Whitaker. « D’où viennent-ils ? s’écria-t-elle avec surprise.

« Qu’ils le disent, s’ils le peuvent, répondit Whitaker ; le drôle qui les a amenés est un paysan des contrées de l’Ouest. Il a déclaré que ces bêtes étaient envoyées par un ami, pour aider Votre Seigneurie à faire les honneurs de la fête. Il n’a pas même voulu s’arrêter pour boire un coup, et j’en suis fâché pour ma part. Je prie milady de me pardonner, car j’aurais dû le prendre par les