Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/466

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qu’une absence de quelques heures était tout juste ce qu’il fallait pour arranger nos affaires diplomatiques. — Votre Grâce m’étonne. Le plan de Christian pour supplanter la grande dame est donc entièrement abandonné ? Je croyais que vous aviez seulement voulu avoir chez vous la belle destinée à lui succéder, afin de conduire vous-même la chose. — J’oublie ce que je voulais alors, sauf l’intention où j’étais de l’empêcher de me duper comme elle a dupé notre bonhomme de roi ; et je persiste dans cette résolution, puisque vous me faites penser à la demoiselle. Mais, pendant que nous jouions à la paume, j’avais reçu de la duchesse un billet plein de contrition. Je l’allai voir, et elle me parut une Niobé parfaite. Sur mon âme, en dépit des yeux rouges, des joues humides de larmes, et des cheveux épars, il y a, après tout, Jerningham, des femmes qui, comme disent les poètes, sont belles encore dans l’affliction. Elle m’en avoua la cause, et avec tant d’humilité, tant de repentir, en se mettant tellement à ma merci, elle, la plus orgueilleuse de toute la cour, qu’il m’aurait fallu avoir un cœur d’airain pour lui résister. Bref, Chiffinch, dans un accès d’ivrognerie, avait babillé et mis le jeune Saville dans le secret de notre intrigue. Savilie nous joua un tour diabolique, et informa la duchesse de tout, par un exprès qui, heureusement, arriva trop tard sur le marché ; elle apprit aussi, car c’est un démon qui reçoit avis de tout, qu’il y avait eu quelques brouilleries entre le maître et moi à propos de cette nouvelle Philis, et que c’était moi qui probablement attraperais l’oiseau, comme il est aisé de le croire lorsqu’on nous regarde tous deux. Il faut que ce soit Empson qui ait chanté tout cela aux oreilles de la duchesse. Croyant entrevoir comment nous pourrions, elle et moi, faire chasser nos chiens ensemble, elle me supplia de rompre le projet de Christian, et de dérober la petite aux yeux du roi, surtout si elle était vraiment aussi parfaite qu’elle l’avait entendu dire. — Et Votre Grâce a promis de travailler à soutenir une influence qu’elle a si souvent voulu détruire ? — Oui, Jerningham ; car j’arrivais tout aussi bien à mon but lorsqu’elle semblait avouer qu’elle était en mon pouvoir, et me criait merci. Puis, remarque donc, peu m’importe par quelle échelle je monterai pour entrer dans le cabinet du roi : celle de Portsmouth est déjà placée ; mieux vaut s’en servir que la jeter à terre pour en placer une autre : je hais toute peine inutile. — Et Christian ? — Peut aller au diable comme un âne plein de suffisance. Un