Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/489

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diez une fois la vérité. La nature s’est conduite généreusement à votre égard, en vous accordant les grâces extérieures, et l’éducation ne vous a été guère moins favorable. Vous êtes noble, c’est le hasard de la naissance ; beau, c’est le caprice de la nature ; généreux, parce que donner est plus facile que refuser : bien mis, c’est fort honorable… pour votre tailleur ; habituellement gai, parce que vous avez jeunesse et santé ; brave, parce qu’il serait dégradant pour vous de ne pas l’être, et spirituel, parce que vous ne pouvez vous empêcher de l’être. »

Le duc lança un coup d’œil à une des larges glaces du salon. « Noble, beau, généreux, bien mis, gai, brave et spirituel ! s’écria-t-il. En vérité, vous m’en accordez là, madame, beaucoup plus que je n’ose en demander, et bien assez certainement pour réussir, du moins sous certains rapports, auprès des femmes. — Je ne vous ai accordé ni tête ni cœur, » reprit Zarah avec calme… « Allons, ne rougissez pas comme si vous aviez peur de moi. Je ne dis pas que la nature ait pu vous les refuser, mais la folie a troublé l’une, et l’égoïsme a perverti l’autre. L’homme qui, suivant moi, est digne de ce nom, est celui dont les pensées et les efforts ont les autres pour but, plutôt que lui-même ; dont la résolution se fonde toujours sur des principes équitables, et qui n’abandonne pas un projet tant que le ciel et la terre lui offrent un moyen de l’accomplir : c’est celui qui jamais n’ira chercher un avantage indirect par une route bonne en apparence, ni prendre une mauvaise voie pour atteindre un but réellement bon. Voilà l’homme pour qui un cœur de femme battrait durant sa vie et se briserait à sa mort. »

Elle parlait avec tant d’énergie que ses yeux étincelaient ; et la rougeur de ses joues répondait à la véhémence de ses sentiments.

« Vous parlez, dit le duc, comme si vous aviez vous-même un cœur capable de payer tribut aux perfections que vous décrivez si chaudement. — Et ne l’ai-je donc pas ? » dit-elle en posant la main sur son sein. « Ici bat un cœur qui me justifierait dans tout ce que j’ai dit, à la vie et à la mort. — S’il était en mon pouvoir, » répliqua le duc qui commençait à s’intéresser à la belle inconnue plus qu’il ne l’aurait d’abord cru possible, « s’il était en mon pouvoir de mériter un attachement si fidèle, il me semble que je ferais tous mes efforts pour le dignement récompenser. — Vos richesses, vos titres, votre réputation de galanterie, tout ce que vous possédez enfin, seraient trop peu pour mériter une si sincère affection. — Allons, belle dame, » dit le duc un peu piqué, « ne soyez pas