Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/491

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Très-mortifié de l’aventure et brûlant de curiosité, Buckingham conçut d’abord l’idée de suivre la fugitive par la route dangereuse qu’elle avait prise ; et dans cette intention il était déjà monté sur l’appui de la croisée, et il examinait où il pourrait ensuite poser le pied sans danger, quand d’un bosquet voisin où l’inconnue avait disparu, il l’entendit chanter un couplet d’une chanson comique, alors à la mode, et faite sur un amant désespéré qui avait résolu de se jeter du haut d’un rocher.

Mais quand il se vit plus près,
Regardant le précipice
Si profond pour qui s’y glisse,
Il changea ses beaux projets.
Il pensa dans sa sagesse
Qu’un amant que l’on délaisse
Peut former d’autres amours ;

Mais qu’un cou rompu par détresse
Est un cou rompu pour toujours.

Le duc ne put s’empêcher de rire, quoique bien malgré lui, du rapport que ces vers avaient avec sa ridicule situation, et rentrant dans l’appartement, il renonça à une tentative qui aurait pu être aussi périlleuse qu’elle était grotesque. Il appela ses gens, et se contenta d’épier lui-même le petit bosquet, ne pouvant se résoudre à croire qu’une femme, qui s’était pour ainsi dire jetée à sa tête, voulût réellement le mortifier par une pareille retraite.

Cette question fut résolue en un instant. Une forme humaine enveloppée d’un manteau et portant un chapeau rabattu qu’ombrageait une plume noire, sortit du bosquet et se perdit bientôt au milieu des ruines, des décombres et des matériaux de construction qui encombraient de tous côtés, comme nous l’avons déjà dit, l’emplacement du domaine de York-House.

Les domestiques du duc, qui étaient accourus à ses cris d’impatience, furent aussitôt envoyés dans toutes les directions à la recherche de cette sirène invisible. Leur maître, toujours ardent et impétueux dans ses nouveaux désirs, surtout quand sa vanité était piquée, stimulait leur diligence par des promesses, des menaces et des ordres. Mais tout fut inutile. On ne trouva de la soi-disant princesse de Mauritanie que son turban et son voile, qu’elle avait laissés dans le bosquet, ainsi que ses pantoufles de satin, sans doute pour prendre des vêtements moins remarquables.

Voyant que toutes ses recherches étaient vaines, le duc de Buckingham, à l’exemple des enfants gâtés de tout âge et de toute condition, donna un libre cours à sa colère, et jura dans sa fureur