Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/507

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et l’opinion du peuple se déclareraient probablement avant peu contre les témoins et pour les accusés.

La confiance que Scroggs avait toujours eue dans la haute estime dont Shaftesbury, l’inventeur de la conspiration papiste, jouissait auprès du roi, avait été complètement détruite par les paroles de son frère North, qui, le matin même, lui avait dit confidentiellement : « Sa Seigneurie n’a pas plus de crédit à la cour que votre laquais. »

Cet avis, émané d’une source respectable, mettait le juge dans un grand embarras ; car, bien qu’il se souciât fort peu d’agir conformément à ses principes, il tenait à ménager les apparences. Il ne pouvait oublier combien, dans ces derniers temps, il s’était montré violent contre les accusés ; mais craignant d’un autre côté que le crédit des délateurs, quoique fort ébranlé dans l’opinion des personnes judicieuses, ne fût encore dans toute sa force auprès de la masse du peuple, son rôle était fort difficile à jouer. Sa conduite dans ce procès ressembla à la marche d’un navire qui va changer de direction, mais dont les voiles vacillantes n’ont pas reçu la dernière impulsion qui doit le pousser dans un autre sens. En un mot, il était si incertain sur le côté qu’il devait favoriser, que, pendant les débats de ce procès, il approcha de l’impartialité véritable plus qu’il n’avait jamais fait auparavant, et qu’il ne fit jamais dans la suite. On en eut la preuve en l’entendant gourmander tantôt les accusés, tantôt les témoins, comme un bouledogue, trop hargneux pour rester sans aboyer, mais ne sachant encore qui il faut mordre.

On donna lecture de l’acte d’accusation. Sir Peveril en écouta avec assez de sang-froid la première partie, dans laquelle il était accusé d’avoir placé son fils dans la maison de la comtesse de Derby, papiste prononcée, afin d’aider la conspiration horrible et sanguinaire des catholiques ; d’avoir eu des armes et des munitions cachées dans sa maison ; d’avoir reçu une commission en blanc de lord Stafford, qui avait été mis à mort à cause de sa participation au complot. Mais quand il s’entendit imputer d’avoir, pour cet objet, communiqué avec Geoffrey Hudson, appelé quelquefois sir Geoffrey Hudson, lequel était ou avait été attaché au service particulier de la reine douairière, il regarda son compagnon comme s’il le reconnaissait tout à coup, et s’écria brusquement : « Ces impostures sont trop grossières pour mériter la moindre attention. J’ai pu avoir des relations, mais des relations