Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour les royalistes de les extirper de la face de la terre, sans se rendre coupables ni aux yeux de Dieu ni aux yeux des hommes.

Ceux qui ont observé de près les révolutions remarquables de l’époque où nous avons puisé cette histoire, ont remarqué que ces deux sermons produisirent un effet totalement opposé à celui que les deux ministres se proposaient sans doute, et qu’au lieu de calmer les esprits de part et d’autre, ils les exaspérèrent au dernier point. Ce fut sous ces funestes auspices et au milieu des fâcheux pressentiments de lady Peveril que le jour de la fête arriva enfin.

Les deux partis se mirent en marche par deux chemins différents et formèrent une espèce de procession : comme si chacun eût été jaloux de son côté de faire parade de son nombre et de sa force ! Les deux factions qui s’avançaient ainsi vers Martindale-Castle offraient tant de dissemblance dans leurs costumes, leur tournure et leurs manières, qu’on eût cru voir d’un côté le cortège joyeux d’une noce, et de l’autre celui d’un enterrement.

Le parti puritain était beaucoup moins nombreux que l’autre, et pour deux raisons excellentes. La première, c’est qu’ayant eu le pouvoir pendant plusieurs années, ils ne jouissaient plus d’aucune popularité ; car jamais la faveur du peuple ne s’attache à ceux qui, possesseurs actuels de l’autorité, sont fréquemment obligés de s’en servir pour contenir les penchants désordonnés auxquels il est toujours tenté de s’abandonner. D’ailleurs, les habitants des campagnes avaient, comme ils l’ont encore, un goût très-vif pour les amusements champêtres, une disposition à la gaieté difficile à réprimer ; et ce n’était qu’avec répugnance et en murmurant qu’ils supportaient la sévérité de prédicateurs fanatiques, ainsi que le despotisme militaire des généraux de Cromwell. La seconde raison, c’est que le peuple avait montré son inconstance habituelle, et que le retour du roi, offrant le charme de la nouveauté, devait naturellement séduire les esprits. D’un autre côté, le parti des puritains était alors abandonné par un nombre considérable d’hommes prudents et prévoyants, qui y avaient été fidèlement attachés tant qu’il avait été favorisé par la fortune. Ces gens, dont la sagacité et la pénétration étaient si remarquables, se nommaient à cette époque les courtisans de la Providence, et ils se seraient crus hautement coupables envers le ciel s’ils avaient continué à soutenir un parti en faveur duquel il cessait de se déclarer.