Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/58

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sorte d’humiliation momentanée, comme s’ils eussent senti qu’ils cédaient le pas aux ennemis que souvent ils avaient vaincus. Tandis qu’ils montaient le sentier tournant qui servait de passage journalier aux bestiaux, ils aperçurent, à travers une clairière, le fossé du château à demi comblé par les débris de la muraille abattue pour faire la brèche, et la brèche elle-même pratiquée à l’angle d’une des grandes tours carrées qui flanquaient le château. Une moitié de cette tour avait été abattue par l’effet du canon ; l’autre moitié, encore debout, mais dans un état de délabrement complet, semblait chanceler et près de s’écrouler. Un sourire de sombre satisfaction brilla sur le visage des puritains à cette vue, qui leur rappela leurs succès passés.

Holdfast Cleg, meunier de Derby, qui lui-même avait déployé beaucoup d’activité à ce siège, montra du doigt la brèche à M. Solsgrace, et lui dit avec un sourire amer : « Je ne pensais guère, quand ma propre main aidait à placer le canon qu’Olivier pointa contre cette tour, que nous serions obligés de grimper un jour comme des renards pour franchir ces mêmes murailles que nous avons conquises avec nos arcs et à la pointe de nos lances. Il me semblait que ces mécréants avaient dû apprendre ce qu’ils gagnent à fermer leurs portes et à dresser leurs cornes contre nous. — Patience, mon frère, répondit Solsgrace, patience ! que le trouble ne pénètre point dans ton âme. Nous n’entrons pas d’une manière déshonorante en ce haut lieu, puisque nous y entrons par la porte que le Seigneur a ouverte à ses élus. »

Les paroles du pasteur furent comme une étincelle mise à une traînée de poudre. Les sombres physionomies des presbytériens s’animèrent subitement : ces paroles leur parurent une prophétie d’heureux augure, une lumière du ciel envoyée tout exprès pour leur faire connaître leur situation ; leurs voix s’élevèrent d’un commun accord, et ils entonnèrent un des chants de triomphe par lesquels les Israélites célébraient les victoires qui leur avaient été accordées sur les païens de la terre promise.

Que Dieu se lève, et les méchants
À Son aspect prendront la fuite !
L’effroi les entraînera vite,

Lâches et vils troupeaux de toutes parts errants.


Comme au souffle du vent disparaît la fumée,
Comme la cire fond devant l’éclat du feu ;

Ainsi disparaît devant Dieu

Des méchants dispersés la race consumée.