Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/80

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me rendit la liberté et me remit en possession de la souveraineté de Man, comme régente pour mon fils, le jeune comte de Derby. Vous pensez bien qu’une fois rétablie dans ma puissance, je n’ai pas tardé à tirer vengeance de ce traître Christian. — Comment, madame, » dit lady Peveril qui, bien que connaissant le caractère hautain et ambitieux de la comtesse, imaginait à peine les extrémités auxquelles il était capable de la pousser, « auriez-vous fait emprisonner Christian ? — Oui vraiment, et dans une prison sûre, dont nul sujet félon ne saurait s’échapper, » répondit la comtesse.

Bridgenorth, qui s’était insensiblement rapproché, et qui semblait écouter avec une émotion pénible, ne fut plus maître de la dissimuler davantage ; il rompit le silence, et s’écria d’un ton sévère :

« Milady, j’espère que vous n’avez pas osé… »

La comtesse l’interrompit à son tour :

« Je ne sais qui vous êtes, vous qui avez la hardiesse de m’interroger, et vous ne me connaissez pas, puisque vous avez la présomption de me parler de ce que j’ose ou n’ose pas faire. Mais puisque vous semblez vous intéresser au destin de ce Christian, vous allez le connaître : je ne fus pas plus tôt remise en possession de mon autorité légitime, que j’ordonnai au principal magistrat[1] de l’île de traduire le traître devant une haute cour de justice, selon toutes les formalités prescrites par les anciennes lois de ce pays. La cour fut tenue en plein air, à la face du soleil, les juges siégeant sur la terrasse de Zonwald-Hill, où jadis les druides et les scaldes rendaient leurs jugements. Le criminel fut entendu dans sa défense, qui se borna seulement à ces allégations spécieuses de considération publique dont la trahison au front hideux cherche toujours à se colorer. Il fut convaincu de son crime, et condamné comme traître. — Mais j’ose espérer que ce jugement n’est pas encore exécuté, » interrompit lady Peveril, non sans frissonner involontairement.

« Vous êtes folle, Marguerite, » reprit la comtesse avec aigreur ; « croyez-vous que je fusse femme à différer cet acte de justice jusqu’à ce que la nouvelle cour d’Angleterre eût résolu d’intervenir dans cette affaire ? Non, ma chère ; de la cour de justice il passa au lieu de l’exécution, sans autre délai que celui qui pouvait être utile au salut de son âme. Il fut fusillé dans la cour du château de Peel. »

  1. Doomster, dit le texte : juge criminel. a. m.