Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/89

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dit sir Geoffrey. Il est parti afin de prendre des mesures de sûreté pour votre passage dans le Cheshire ; et je me suis engagé à vous y conduire. Le prince Rupert, Ormont et d’autres amis ne doutent pas que l’affaire ne s’arrange au moyen d’une amende ; mais on dit que le chancelier, Harry-Bennet et quelques autres des conseillers d’outre-mer, sont furieux de ce qu’ils appellent une violation de l’amnistie proclamée par le roi. Que le diable les emporte ! ils nous ont laissés supporter tous les coups, et maintenant ils s’irritent de ce que nous voulons enfin régler nos comptes avec ceux qui nous ont causé de si vives anxiétés. — Quel châtiment parlent-ils de m’infliger ? demanda la comtesse. — Je ne sais trop, répondit sir Geoffrey ; comme je vous le disais, quelques amis de notre bon pays de Cheshire, et d’autres encore, essaient de le faire réduire à une amende ; mais certaines gens ne parlent de rien moins que de la Tour de Londres, et d’une longue détention. — J’ai déjà souffert un assez long emprisonnement pour l’amour du roi Charles, dit la comtesse, et je n’ai nullement envie d’en subir un nouveau pour satisfaire à son bon plaisir. D’ailleurs, si l’on m’interdit la régence des états de mon fils, j’ignore si je n’ai pas à craindre encore quelque usurpation. Je vous serai donc obligée, cousin, d’imaginer quelque moyen pour me faire conduire en sûreté à Vale-Royal, où je sais que je trouverai bonne escorte pour me rendre à Liverpool. — Vous pouvez compter que je vous servirai de guide et de protecteur, noble lady, répondit Peveril, quand bien même vous seriez arrivée ici à minuit, avec la tête de ce coquin dans votre tablier, comme Judith dans les saints Apocryphes, que je me réjouis d’entendre lire de nouveau chaque jour dans nos églises. — La noblesse est-elle nombreuse à la cour ? demanda la comtesse. — Oui, madame ; et, selon le dicton adopté parmi les mineurs du pays quand ils commencent à fouiller, elle y est pour la grâce de Dieu, et pour ce qu’elle y peut trouver. — Les vieux cavaliers y sont-ils bien accueillis ? poursuivit la comtesse. — Ma foi, milady, le roi a des manières si gracieuses, qu’il fait fleurir l’espérance dans le cœur de tout homme auquel il parle, quoiqu’à dire vrai nous ayons vu jusqu’à présent bien peu de ces fleurs rapporter des fruits. — J’espère, mon cousin, que vous n’avez pas à vous plaindre de l’ingratitude ? reprit la comtesse. Personne ne l’aurait moins méritée que vous. »

Sir Geoffrey, en homme prudent, n’était pas fort disposé à avouer qu’il avait conçu des espérances, et qu’elles s’étaient trou-