Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/100

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mère, mon compatriote et noble cavalier. On croirait que le coup de sabre qui l’a privé de tous les agréments de la figure, a en même temps tari dans ses veines jusqu’à la dernière goutte du sang écossais. »

Durward regretta alors de n’avoir pas trouvé l’occasion de parler de maître Pierre au Balafré, afin d’apprendre quelque chose de plus sur ce personnage ; mais les questions de son oncle s’étaient succédé avec une telle rapidité, et la grosse cloche de Saint-Martin de Tours avait rompu la conférence si brusquement, qu’il n’avait pas eu le loisir de satisfaire sa curiosité. « Ce vieillard, se disait-il, est d’une brusquerie rare, d’une causticité sans égale, mais il est généreux et libéral dans sa conduite, et un tel étranger vaut bien un parent insensible… Que dit notre vieux proverbe écossais : Mieux vaut bon étranger que parent étranger. Il faut que je trouve cet homme : ce ne sera pas chose difficile, s’il est aussi riche que mon hôte me l’a assuré. Au moins il me donnera de bons avis dans la perplexité où je me trouve ; et s’il se rend dans les pays étrangers, comme cela est ordinaire à bon nombre de marchands, je crois que l’on peut trouver à son service des aventures tout aussi bien que dans les gardes du roi Louis. »

Tandis que cette dernière pensée occupait l’esprit de Quentin, une voix secrète, qui partait de ces replis du cœur dans lequel se cachent bien des choses dont nous ne nous rendons pas compte, ou du moins que nous avons de la peine à nous avouer, lui suggéra qu’il ne serait pas impossible que la dame de la tourelle, la dame du voile et du luth, fût aussi de ce voyage.

En ce moment le jeune Écossais rencontra deux hommes sur la figure desquels régnait la gravité, et qui paraissaient être des citoyens de Tours. Ôtant son bonnet avec le respect qu’un jeune homme doit à la vieillesse, il les pria de lui indiquer la maison de maître Pierre.

« La maison de qui, beau fils ? dit l’un des passants. — « De maître Pierre, le riche marchand de soie qui a fait planter tous les mûriers que l’on voit dans le parc, là-bas, répondit Durward. — Jeune homme, » dit celui qui était le plus près de lui, « vous avez commencé de bonne heure un métier de fainéant. — Et vous choisissez mal les personnes à qui vous adressez vos plaisanteries, » ajouta l’autre d’un ton de mauvaise humeur. « Le syndic de Tours n’est pas accoutumé à s’entendre questionner ainsi par des bouffons et des vagabonds étrangers. »

Quentin fut tellement surpris que deux hommes d’un air et