Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/163

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Lorsque Durward eut terminé ces apprêts, Olivier lui dit qu’il ne connaissait pas encore un des plus importants privilèges du corps dans lequel il servait, et qui consistait à ne recevoir d’ordres que du roi en personne, ou du grand connétable de France, sans l’intermédiaire des officiers. « Vous êtes placé ici, jeune homme, de l’exprès commandement de Sa Majesté, ajouta-t-il, et vous ne tarderez pas à apprendre pourquoi vous y avez été appelé. En attendant, vous resterez dans cette galerie. Il vous est permis de vous y promener d’un bout à l’autre, ou d’y rester en place, selon qu’il vous fera plaisir, mais non de vous asseoir sous aucun prétexte, ni d’abandonner votre arme. Vous ne devez non plus ni chanter ni siffler, mais vous pouvez, si vous le voulez, marmotter quelques prières de l’Église, ou quelque innocente ballade pourvu que ce soit à voix basse. Adieu, et faites bonne garde. — Bonne garde ! » pensa le jeune soldat pendant que son guide s’éloignait de ce pas silencieux et furtif qui lui était particulier, et en le voyant disparaître par une porte latérale que recouvrait la tapisserie. « Bonne garde ! mais sur quoi et contre qui ? Quels ennemis pourrais-je avoir à combattre ici, si ce n’est des chauves-souris ou des rats, à moins que ces antiques et hideux portraits ne viennent à s’animer pour me troubler pendant ma faction. Mais enfin, c’est mon devoir, je dois le croire, et il faut que je le remplisse. »

Bien résolu à s’acquitter de son devoir même jusqu’à la rigueur, il essaya d’abréger le temps en chantant quelques-unes des hymnes pieuses qu’il avait apprises dans le couvent où il avait trouvé un refuge après la mort de son père, tout en convenant avec lui-même que, sauf le changement de sa robe de novice en un riche costume militaire, tel que celui qu’il portait en ce moment, sa promenade comme sentinelle dans cette galerie d’un château royal de France ressemblait beaucoup à celles qui l’avaient si souvent ennuyé dans les cloîtres solitaires d’Aberbrothock.

Bientôt, comme pour se convaincre qu’il n’appartenait plus au cloître, mais au monde, il se mit à chanter, mais sur un ton qui n’excédait pas la permission qui lui avait été donnée, quelques-unes des grossières et anciennes ballades que lui avait apprises le vieux joueur de harpe de sa famille, telles que la Défaite des Danois à Aberlemno[1] et à Forres, le Meurtre du roi Duffas à Forfar, et autres lais ou sonnets non moins intéressants, tous relatifs à l’his-

  1. Aberlemno, Forres et Forfar sont trois villes du nord de l’Écosse où furent vaincus les Danois envahisseurs. a. m.