Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/182

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mais avec un certain degré de fermeté, que la première faveur qu’elle avait à réclamer de la protection que Son Altesse avait daigné lui promettre, c’était qu’elle voulût bien chercher à convaincre le duc d’Orléans que les dames de Bourgogne, quoique inférieures en esprit et en grâces aux dames de France, n’étaient cependant pas assez sottes pour ne prendre plaisir à d’autres conversations qu’à celles qui ne consistaient qu’en compliments extravagants.

« Je suis fâché, madame, » dit le duc prenant la parole avant que la princesse pût répondre, « que vous fassiez tout à la fois la critique de la beauté des dames de Bourgogne et de la sincérité des chevaliers de France. Si nous sommes prompts et extravagants dans l’expression de notre admiration, c’est parce que nous aimons comme nous combattons, sans permettre à la froide délibération d’approcher de nos cœurs ; et nous nous rendons à la beauté avec la même promptitude que nous triomphons de la valeur. — La beauté de nos concitoyennes, » répondit la jeune comtesse avec plus de fierté qu’elle n’avait encore osé en montrer à son noble adulateur, « est peu jalouse de pareils triomphes, et la valeur de nos chevaliers serait incapable de céder. — Je respecte votre patriotisme, comtesse, répliqua le duc, et je ne contesterai pas la dernière partie de votre proposition, jusqu’à ce qu’un chevalier bourguignon se présente pour la soutenir, la lance en arrêt. Mais quant à l’injure que vous faites aux beautés qui ont pris naissance dans votre pays, j’en appelle à vous-même. Regardez-là, » ajouta-t-il en lui montrant une grande glace, présent de la république de Venise, et qui était alors un objet d’une grande rareté et d’une grande valeur, « et dites-moi quel est le cœur qui pourrait résister aux charmes qu’elle réfléchit. »

La princesse, incapable de soutenir plus long-temps un pareil oubli de la part de celui qui devait devenir son époux, tomba renversée sur son fauteuil, poussant un soupir qui rappela aussitôt le duc du pays des romans, et qui engagea lady Hameline à demander à Son Altesse si elle se sentait indisposée.

« J’ai éprouvé une douleur subite à la tête, » répondit la princesse en essayant de sourire ; « mais je serai mieux tout à l’heure. »

Sa pâleur croissante démentait ses paroles, et la comtesse Hameline se mit à appeler au secours, car la princesse était près de s’évanouir.

Le duc, se mordant les lèvres, et maudissant sa folie qui l’empê-