Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/222

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pria le duc d’Orléans et Dunois de se placer à ses côtés ; après quoi il fit un signe d’adieu aux dames, et dit à Quentin :

« Que Dieu te bénisse, mon enfant ! tu as commencé ton service vaillamment, quoique dans une malheureuse cause. »

Il était au moment de partir, lorsque Quentin entendit Dunois demander tout bas à Crawford : « Nous conduisez-vous au Plessis ? — Non, mon malheureux et imprudent ami, » répondit Crawford en soupirant : « c’est à Loches. »

Loches ! Ce nom, encore plus redouté que celui du Plessis, sonna comme celui du glas funèbre à l’oreille du jeune Écossais. Il en avait entendu parler comme d’un lieu destiné à ces actes secrets de cruauté dont Louis lui-même avait honte de souiller l’intérieur de sa propre résidence. Il existait dans ce lieu de terreur des cachots creusés sous des cachots, dont quelques-uns n’étaient pas connus des gardiens eux-mêmes, tombeaux vivants où ceux qui y étaient renfermés n’avaient guère d’autre espoir que de respirer pour le reste de leur vie un air impur, et de se nourrir de pain et d’eau. Dans ce château formidable il y avait aussi de ces horribles lieux de détention appelés cages, dans lesquels le malheureux prisonnier ne pouvait ni se tenir debout, ni s’étendre pour dormir, invention attribuée au cardinal de la Balue. Il n’est donc pas étonnant que le nom de ce séjour d’horreurs, et la pensée qu’il avait en partie contribué à y envoyer ces deux illustres victimes, remplissent d’une si grande tristesse le cœur du jeune Écossais, qu’il marcha quelque temps la tête baissée, les yeux tournés vers la terre, et l’âme remplie des plus douloureuses réflexions.

Comme il s’était remis à la tête de sa petite troupe, en prenant la route qui lui avait été indiquée, la comtesse Hameline trouva l’occasion de lui adresser la parole.

« Il semblerait, beau sire, dit-elle, que vous regrettiez la victoire que vous avez remportée pour nous. »

Il y avait dans cette question quelque chose qui ressemblait à de l’ironie ; mais Quentin eut assez de tact pour répondre simplement et franchement :

« Je ne puis rien regretter de ce que j’ai fait pour le service de dames telles que vous ; mais je crois que si cela eût pu s’accorder avec votre sûreté, j’aurais préféré tomber sous les coups d’un aussi bon soldat que Dunois, plutôt que de contribuer à faire renfermer cet illustre chevalier et son malheureux cousin, le duc d’Orléans,