Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/238

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tude. — « Hélas ! mon fils, répondit le bon franciscain, quel est celui que nous ne puissions regarder comme en danger dans ce triste exil ? Mais le ciel me préserve de prétendre que le vénérable prélat soit dans un péril imminent. Il a un trésor considérable, de fidèles conseillers, de braves soldats ; et de plus, je vous dirai qu’un messager qui se dirige du côté de l’est, et qui a passé ici hier, nous a dit que le duc, à la requête de l’évêque, lui a envoyé en toute hâte cent hommes d’armes, avec la suite qui accompagne chaque lance. Cette troupe suffira pour résister à Guillaume de la Marck dont le nom soit maudit ! Amen ! »

Dans ce moment, leur conversation fut interrompue par le sacristain, qui, d’une voix entrecoupée par la colère, accusait le Bohémien d’avoir mis en pratique les plus abominables maléfices envers les jeunes frères : il avait mêlé dans leur boisson, au repas du soir, une liqueur enivrante qui avait dix fois la force du vin le plus capiteux, et sous le pouvoir de laquelle plusieurs frères avaient succombé. Dans le fait, quoique la tête du sacristain eût été assez solide pour résister à l’influence de cette boisson dangereuse et défendue, il était facile au prieur et à Durward de reconnaître à son visage enflammé et à sa langue embarrassée, que l’accusateur lui-même n’avait pas été tout à fait à l’abri de ses atteintes. De plus, le Bohémien avait chanté diverses chansons dans lesquelles il n’était question que de vanités mondaines et de plaisirs impurs ; il avait tourné en dérision le cordon de saint François ainsi que ses miracles, et il avait donné aux fidèles soumis à ses saintes règles le nom de fous et de vauriens paresseux. Enfin, il avait mis en pratique la chiromancie et prédit au jeune père Chérubin qu’il serait aimé d’une belle dame qui le rendrait père d’un fils dont l’esprit le conduirait à la fortune.

Le père prieur écouta quelque temps en silence le récit du sacristain, comme si l’horreur produite par des crimes aussi atroces lui eût ôté l’usage de la parole. Lorsque le frère eut terminé ses plaintes, le prieur se leva, descendit dans la cour du couvent, et ordonna aux frères lais, sous peine d’encourir les châtiments spirituels pour crime de désobéissance, de chasser l’impie Hayraddin de l’enceinte sacrée à coups de fouets et de verges.

Cette sentence fut exécutée en présence de Durward, qui, quoique contrarié par cet incident, n’intervint point en faveur du coupable, certain que son intercession serait inutile.

Le châtiment infligé à Hayraddin fut, malgré les exhortations