Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/256

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« Si vous accomplissez votre dessein, répliqua-t-il, le danger passera de votre tête sur la mienne. — Si je ne me trompe, vous m’assuriez, il n’y a qu’un instant, que votre art n’allait pas jusqu’à prévoir votre propre destin ? — Pas de la manière qu’il m’a révélé ce qui vous regarde ; mais quiconque connaît un peu Louis de Valois peut prédire qu’il fera pendre votre guide parce qu’il vous aura plu de ne pas prendre la route qu’il a ordonné de suivre. — Atteindre en sûreté le but de notre voyage, et le terminer heureusement, doit être une excuse suffisante pour nous être écartés de la route prescrite. — Certainement, si vous êtes assuré que le roi n’ait pas un autre but que celui qu’il vous a indiqué. — Et quel autre but pourrait-il avoir ? Qui peut vous porter à croire qu’il ait d’autres intentions que celles qu’il m’a fait connaître en me donnant ses ordres ? — Rien, si ce n’est que ceux qui connaissent un peu le roi très-chrétien ne doutent jamais que le projet qui l’occupe le plus est toujours celui dont il a le plus de soin de ne pas parler. Quand votre gracieux roi Louis envoie douze ambassadeurs, je consens à livrer mon cou à la corde un an plus tôt qu’il ne doit y être attaché, si dans ce nombre il s’en trouve un seul qui n’ait pas au fond de son encrier quelque chose de plus que ce qui est écrit dans ses lettres de créance. — Je n’attache aucune importance à ces extravagants soupçons ; mon devoir est clair et positif : c’est de conduire ces dames en sûreté à Liège. Je pense que je le remplirai mieux, ce devoir, en ne prenant pas la route qui m’est prescrite, et c’est pourquoi je continuerai de suivre la rive gauche de la Meuse. D’ailleurs, c’est la plus directe ; en traversant la rivière, nous allongerions notre chemin, et nous augmenterions nos fatigues sans aucune utilité. Pourquoi donc ne le ferions-nous pas ? — Uniquement parce que d’ordinaire les pèlerins, comme ils s’appellent, qui se rendent à Cologne, ne suivent pas la Meuse jusqu’à Liège ; et que la route que vous vous proposez de faire suivre à ces dames donnera lieu de croire qu’elles ne sont pas des pèlerines comme elles feignent de l’être. — Si l’on nous fait des reproches à ce sujet, nous répondrons que nous avons craint de rencontrer le duc de Gueldres, Guillaume de la Mark, les écorcheurs et les lansquenets sur la rive droite ; et ce nous sera une excuse suffisante pour avoir continué de suivre la rive gauche, quoiqu’il nous soit prescrit de passer sur la rive droite. — Comme il vous plaira, monsieur l’archer ; je suis prêt à vous guider par la rive gauche aussi bien que par la rive droite.