Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’écria Pavillon d’un ton emphatique ; « je détestais sa mitre, mais non la tête qui la portait. Nous sommes dix contre un, et nous ne permettrons pas que l’on commette de tels excès. — Oui, nous sommes dix contre un en rase campagne, mais dans ce château nous ne sommes qu’homme à homme. D’ailleurs Nikkel Blok le boucher et toute la canaille des faubourgs se prononcent en faveur de Guillaume de la Marck, tant à cause des tonneaux d’ale et des barriques de vin qu’il a fait mettre en perce, qu’à cause de l’ancienne jalousie qu’ils ont contre nous, nous qui faisons partie du corps des métiers et qui en possédons les privilèges. — Peter, dit Pavillon, nous partirons sur l’heure pour la ville. Je ne resterai pas plus long-temps à Schonwaldt. — Mais les ponts sont levés, les portes sont fermées, et gardées par les lansquenets. Si nous essayons de nous frayer un chemin de vive force, ces gens-là, qui n’ont d’autre occupation que de se battre tous les jours, nous arrangeront de la belle manière, nous qui n’avons coutume de nous battre que les jours de fête. — Mais pourquoi a-t-il fermé les portes ? » s’écria le syndic alarmé ; « qu’a-t-il besoin de retenir d’honnêtes gens prisonniers ? — Ma foi ! je ne saurais vous le dire. Le bruit court que les dames de Croye se sont évadées pendant le siège du château. Cela a mis d’abord l’homme à la longue barbe dans une colère qui lui faisait perdre la raison, et maintenant c’est le vin qui lui trouble la cervelle. »

Le bourgmestre jeta sur Quentin un regard de désolation, et semblait ne savoir quel parti prendre. Durward n’avait pas perdu un mot de cette conversation et était fort alarmé ; il vit aussitôt que son salut et celui d’Isabelle dépendait du degré de présence d’esprit qu’il pourrait conserver, et du courage qu’il inspirerait à Pavillon. Prenant donc la parole comme s’il eût eu le droit d’émettre son opinion : « Je rougis pour vous, meinheer Pavillon, dit-il, en voyant que vous hésitez sur ce que vous avez à faire en cette occasion. Allez hardiment trouver Guillaume de la Marck, et demandez-lui à sortir du château avec votre lieutenant, votre écuyer et votre fille. Il ne peut alléguer aucun prétexte pour vous retenir prisonnier. — Moi et mon lieutenant, c’est-à-dire moi et Peter ? c’est au mieux. Mais qui est mon écuyer ? — Moi, pour le moment, » répondit l’audacieux Écossais.

« Vous ! » s’écria le bourgeois embarrassé ; « mais n’êtes-vous pas ici en qualité d’envoyé de Louis, du roi de France ? — Cela est vrai, mais je n’ai affaire qu’aux magistrats de la ville de Liège, et