Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/296

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la permission de sortir du château, requête qui paraissait trop juste pour ne pas être accueillie. Cependant le bon bourgmestre soupirait en regardant ses compagnons, et il dit à son fidèle Peter : « Voyez ce que c’est que d’être trop sensible et trop hardi ! Hélas ! Peterkin, combien mon courage et mon humanité me coûtent déjà cher ! Mais combien ces vertus ne me coûteront-elles pas encore, avant que nous soyons sortis de ce maudit château de Schonwaldt ! » En traversant les cours encore jonchées de morts et de mourants, Quentin, au milieu de cet horrible spectacle, soutenait Isabelle, cherchant à relever son espoir et son courage, et lui rappelant à voix basse que son salut dépendait entièrement de sa fermeté et de sa présence d’esprit.

— « Il ne dépend pas de la mienne, lui répondit-elle, mais de la vôtre, de la vôtre seule. Oh ! si j’échappe aux horreurs de cette nuit cruelle, toujours je me rappellerai mon libérateur ! J’exige cependant de vous un nouveau service ; au nom de l’honneur de votre mère, au nom de la générosité de votre père, je vous supplie de me l’accorder. — Que pourriez-vous me demander que je ne sois toujours prêt à exécuter ? » répondit Quentin d’une voix émue. — « Plongez-moi votre poignard dans le cœur, s’écria-t-elle, plutôt que de me laisser captive dans les mains de ces monstres. »

Pour toute réponse, Quentin pressa la main de la jeune comtesse, qui parut vouloir lui répondre de même ; mais elle en fut empêchée par la terreur qui l’accablait. Enfin, toujours appuyée sur le bras de son jeune protecteur, précédée de Pavillon et de son lieutenant, et suivie d’une douzaine de kurschen-schaft, ou tanneurs, qui formaient une sorte de garde d’honneur à leur syndic, elle entra dans la terrible salle.

Les bruyantes clameurs, les éclats d’un rire féroce qui sortaient de ce lieu, semblaient plutôt annoncer l’orgie d’infâmes démons se réjouissant après un triomphe remporté sur la malheureuse espèce humaine qu’un festin donné par des mortels pour célébrer une victoire. Une résolution que le désespoir seul pouvait avoir inspirée soutenait le courage factice de la comtesse ; une fermeté indomptable, qui prenait une nouvelle force dans le danger, relevait celui de Durward, tandis que Pavillon et son lieutenant, faisant de nécessité vertu, pouvaient être comparés à des ours enchaînés au poteau, prêts à soutenir une lutte dangereuse et inévitable.