Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/318

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Il y avait dans la voix d’Isabelle un accent si tendre et si touchant, que Quentin sentit, à ces paroles, une douce joie s’insinuer au fond de son cœur. Il hésita un instant avant de répondre, réfléchissant à la possibilité de lui procurer en Écosse un asile sûr et honorable ; mais la triste vérité vint éclairer son esprit ; il reconnut que ce serait de sa part une action aussi basse que cruelle que de l’engager à fuir vers un pays où il n’avait ni le pouvoir ni le moyen de lui procurer une retraite sûre. « Madame, dit-il enfin, j’agirais contre mon honneur et contre les lois de la chevalerie si je vous laissais former un plan basé sur cette idée que je puis vous offrir en Écosse quelque protection autre que celle du faible bras qui depuis peu de temps est à votre service. À peine sais-je si mon sang circule dans les veines d’un seul habitant de mon pays natal. Le chevalier de l’Innerquuharity prit d’assaut notre château au milieu de la nuit, et tous ceux qui portaient mon nom y périrent. Si je reparaissais en Écosse, j’y retrouverais nos ennemis féodaux : ils sont nombreux et puissants ; moi, je suis seul et faible : ainsi quand même le roi voudrait me rendre justice, il n’oserait, pour protéger un simple individu, provoquer un chef qui marche à la tête de cinq cents cavaliers. — Hélas ! dit la comtesse, il n’existe donc pas dans le monde entier un seul abri contre l’oppression, puisqu’elle se déchaîne sur ces montagnes sauvages qui offrent si peu d’attraits à la cupidité, aussi bien que sur nos vastes et riches plaines ! — C’est une triste vérité, et je n’oserais la cacher ; ce n’est guère que le désir de la vengeance, la soif du sang, qui mettent les armes à la main à nos clans, qui les portent à s’égorger réciproquement ; et les Ogilvies présentent en Écosse les mêmes actions et les mêmes scènes que celles dont Guillaume de la Marck et ses satellites se rendent coupables dans ce pays. — En voilà assez sur l’Écosse, » dit Isabelle d’un ton d’indifférence réelle ou affectée ; « ne m’en dites pas d’avantage. Dans le fait, je n’en ai parlé qu’en plaisantant, pour voir si vous oseriez sérieusement me présenter comme un pays tranquille le royaume le plus déchiré de l’Europe. Je voulais seulement mettre à l’épreuve votre sincérité, sur laquelle je suis charmée de voir qu’on peut compter lors même que le sentiment le plus vif chez un Écossais est le plus fortement excité. Ainsi donc, je le répète, je ne chercherai d’autre protection que celle d’un honorable et puissant baron, feudataire du duc Charles, dans les mains duquel j’ai décidé de me remettre. — Mais pourquoi ne vous retirez-vous pas