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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/343

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et de me fasciner la vue jusqu’à ce qu’il ait mis à exécution quelque projet politique, par saint George de Bourgogne, qu’il y regarde de près ! » En parlant ainsi, le duc releva ses moustaches, frappa du pied, et nous donna l’ordre de monter tous à cheval, pour aller à la rencontre de cet hôte extraordinaire. — Et vous allâtes à la rencontre du roi ? reprit le comte de Crèvecœur. Les miracles n’ont pas encore cessé ! Comment sa suite était-elle composée ? — Elle était des plus mesquines, répondit d’Hymbercourt : une vingtaine d’archers de sa garde écossaise, quelques chevaliers, et quelques gentilshommes de sa maison, parmi lesquels son astrologue Galeotti faisait la plus brillante figure. — Ce drôle, reprit Crèvecœur, est vendu au cardinal la Balue ; je ne serais pas surpris qu’il eût contribué à déterminer le roi à une démarche politique si dangereuse. A-t-il avec lui quelques membres de sa haute noblesse ? — Monseigneur d’Orléans et Dunois, répondit d’Argenton. — Dunois ? s’écria Crèvecœur ; nous aurons quelque chose à démêler ensemble, arrive ce qu’il pourra ! Mais j’avais entendu dire qu’ils étaient tous deux en prison ? — Ils furent en effet arrêtés et enfermés au château de Loches, ce charmant séjour de retraite et de repos pour la noblesse française, répliqua d’Hymbercourt ; mais Louis les a fait mettre en liberté pour l’accompagner ici, peut-être parce qu’il ne se souciait pas de laisser d’Orléans derrière lui. Quant au reste de sa suite, je crois, ma foi, que son compère le grand-prévôt avec deux ou trois de ses gens, et Olivier le barbier, en sont les personnages les plus importants. Et tout ce cortège est si misérablement accoutré, que le roi, sur mon honneur, ressemble moins à un souverain qu’à un vieil usurier allant recouvrer de chétives créances, avec une bande de recors et d’huissiers. — Et où est-il logé ? demanda Crèvecœur. — Ceci, répondit d’Argenton, est le plus merveilleux de tout. Le duc avait d’abord offert de laisser aux archers du roi la garde de l’une des portes de la ville et du pont de bateaux situé sur la Somme ; et il avait assigné à Louis pour résidence la maison voisine, qui appartient à un riche bourgeois nommé Gilles Orthen ; mais en s’y rendant, le roi aperçut les bannières de la Lau et de Pencil de Rivière, qu’il a bannis de France ; et, probablement contrarié de l’idée d’avoir pour si proches voisins des réfugiés et des mécontents qu’il a faits lui-même, il a demandé avec instance qu’on le logeât au château de Péronne, et on y a consenti. — Que Dieu nous soit en aide ! s’écria Crèvecœur ; ce n’était pas assez de s’aventurer