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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/353

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vaise humeur ; il finit par rire aux éclats ; puis, lui jetant une pièce d’or, il se laissa déshabiller, but un énorme bol de vin épicé, se mit au lit, et dormit profondément.

Le coucher du roi Louis mérite plus d’attention que celui de Charles, car l’expression violente de l’impétuosité et de la colère, qui appartient à la partie brute plutôt qu’à la partie intellectuelle de notre nature, nous offre un faible intérêt en comparaison de celui que ne peuvent manquer d’exciter les efforts d’un esprit calme et vigoureux.

Louis fut escorté jusqu’au logement qu’il avait choisi dans le château ou citadelle de Péronne, par les chambellans et les maréchaux des logis du duc de Bourgogne, et il trouva à l’entrée une forte garde d’archers et d’hommes d’armes qui le reçurent.

Au moment où il descendait de cheval pour traverser un pont-levis jeté sur un fossé d’une largeur et d’une profondeur peu ordinaires, il regarda les sentinelles, et dit à d’Argenton, qui l’accompagnait avec quelques autres seigneurs bourguignons : « Ils portent la croix de Saint-André, mais ce n’est pas celle de mes archers écossais. — Vous les trouverez tout aussi disposés qu’eux à mourir pour vous défendre, Sire, » répondit d’Argenton dont l’oreille subtile avait deviné dans le ton de Louis l’expression d’un sentiment qu’il ne lui avait pas été possible de cacher entièrement. « Ils portent la croix de Saint-André, comme un des signes distinctifs de l’ordre de la Toison d’or de mon maître le duc de Bourgogne. — Ne le sais-je pas ? » reprit Louis en lui montrant le collier que lui-même portait par considération pour son hôte ; « c’est un des plus doux liens de fraternité qui existent entre le cher duc et moi. Nous sommes frères en chevalerie aussi bien que frères en Dieu ; cousins par le sang, et amis par tous les liens de la plus tendre affection et d’un bon voisinage… Vous n’irez pas plus loin que cette cour, nobles seigneurs ! je ne permettrai pas que vous me conduisiez plus loin : c’est assez d’honneurs ! — Nous étions chargés par le duc, reprit d’Hymbercourt, de conduire Votre Majesté jusqu’à son appartement. Nous osons espérer qu’elle nous permettra d’obéir aux ordres de notre maître. — Je pense, dit le roi, que dans une affaire de si peu l’importance, vous serez disposés vous-mêmes, quoique ses sujets liges, à reconnaître que mes ordres doivent l’emporter sur les siens. Je me sens un peu indisposé, messieurs, un peu fatigué. Le plaisir a ses fatigues aussi bien que la douleur. Demain je serai mieux préparé, je l’espère,