Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/371

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ce meurtre a été consommé par de la Marck. — Et qui sans doute a prêté la main à cet horrible sacrilège ! » reprit le duc en se levant et en frappant du pied avec une telle furie, qu’il mit en pièces le marchepied placé devant lui. « Qu’on ferme les portes de cette salle ! qu’on en garde les fenêtres ! Qu’aucun étranger ne bouge de son siège, sous peine de mort. Gentilshommes de ma chambre, l’épée à la main ! » Et se tournant vers Louis, il porta lentement la main d’un air déterminé sur la poignée de son épée, tandis que le roi, sans montrer aucune crainte, sans même prendre une attitude défensive, lui dit avec calme : Ces nouvelles, beau cousin, ont ébranlé votre raison. — Non, » répondit le duc avec un accent terrible, « mais elles ont éveillé un juste ressentiment que j’avais laissé trop long-temps étouffé sous de vaines considérations de lieu et de circonstances. Meurtrier de ton frère, rebelle contre ton père, tyran de tes sujets, allié traître, roi parjure, gentilhomme déshonoré, tu es en ma puissance, et j’en remercie le ciel. — Remerciez-en plutôt ma folie, dit le roi, car lorsque nous nous rencontrâmes à Montlhéri, à termes au moins égaux, il me semble que vous auriez voulu être plus loin de moi que vous ne l’êtes en ce moment. »

Le duc avait toujours la main sur la poignée de son épée, mais il ne la tira pas du fourreau pour frapper un ennemi qui ne faisait aucune résistance, et dont la contenance impassible ne pouvait justifier aucun acte de violence.

Cependant une confusion générale et étrange régnait dans la salle ; les portes en étaient fermées et gardées selon l’ordre du duc ; mais plusieurs seigneurs français, quoique en petit nombre, s’étaient levés de leurs sièges, et se disposaient à défendre leur souverain. Louis n’avait dit un mot, ni au duc d’Orléans ni à Dunois, depuis qu’il les avait fait sortir du château de Loches, et à peine pouvaient-ils se regarder comme en liberté, traînés comme ils l’étaient à la suite du monarque, et objet évident de ses soupçons plutôt que de ses égards et de son estime. Néanmoins la voix de Dunois fut la première à s’élever au milieu de ce tumulte, et s’adressant au duc de Bourgogne : « Sire duc, lui dit-il, vous oubliez que vous êtes vassal de la France, et que nous, vos convives, nous sommes Français. Si vous levez la main contre votre roi, préparez-vous à soutenir les plus violents efforts du désespoir ; car, croyez-moi, nous nous abreuverons du sang de la Bourgogne comme nous venons de nous abreuver de son vin. Courage,