Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/382

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Je t’en prie, rends-moi le service de t’enquérir de mon astrologue, Martius Galeotti, et de me l’envoyer à l’instant. — J’y cours, Sire ; et je suis sûr que je le trouverai chez Jean Doppletbur[1] ; car les philosophes savent aussi bien que les fous où se vend le meilleur vin. — Comte de Crèvecœur, dit alors Louis, voudrez-vous bien donner ordre à vos gardes de laisser passer librement ce savant personnage ? — Rien ne s’oppose à ce qu’il entre, Sire ; mais je suis fâché d’être dans la nécessité de vous dire que mes instructions ne me permettent pas de laisser qui que ce soit sortir de votre appartement. Je souhaite à Votre Majesté une bonne nuit, ajouta-t-il, et je vais donner mes soins à ce que les personnes de votre suite qui doivent rester dans l’antichambre s’y trouvent plus à leur aise. — Que cela ne vous inquiète en rien, sire comte, répliqua le roi ; ce sont des gens habitués à la fatigue, et qui s’accommodent de tout ; et, pour vous dire la vérité, à l’exception de Galeotti, que je désire voir, je serais bien aise d’avoir, cette nuit, aussi peu de communications avec l’extérieur que vos instructions vous le permettent. — Mes instructions prescrivent que Votre Majesté ait la pleine et entière possession de son appartement : tels sont les ordres de mon maître. — Votre maître, comte de Crèvecœur, et je pourrais aussi le nommer le mien, est un très-gracieux maître. Mon royaume n’est pas trop vaste en ce moment, puisqu’il se réduit à une vieille salle et à une chambre à coucher ; mais il est assez étendu pour les sujets que je puis compter encore.

Le comte de Crèvecœur prit congé du roi, qui, bientôt après, entendit le bruit des sentinelles qui se promenaient chacune à son poste, la voix des officiers qui donnaient des ordres, et la marche précipitée des soldats qu’on relevait de garde. Enfin le silence régna de tous côtés, et aucun son ne troubla le calme de la nuit, excepté le murmure sourd des eaux profondes et bourbeuses de la Somme, qui baignaient les murs du château.

« Retirez-vous dans l’antichambre, mes bons amis, » dit Louis à Olivier et à Tristan qui l’avaient suivi jusque dans sa chambre ; « mais ne vous endormez pas, tenez-vous prêts à recevoir mes ordres, car il y a encore quelque chose à faire cette nuit, quelque chose d’important, même. »

Olivier et Tristan se retirèrent donc dans la grande salle, où le Balafré était resté avec les deux soldats du grand prévôt. Ceux-ci avaient allumé un feu de fagots suffisant pour éclairer et chauffer

  1. C’est-à-dire Jan (ou Jean) Double-bière. a. m.