Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/384

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dupe !… La conjonction des planètes !… oui, la conjonction. Il m’a débité un fatras de sottises qui auraient à peine trompé une tête de mouton trois fois bouillie, et j’ai été assez idiot pour me persuader que je le comprenais ! Mais nous verrons tout à l’heure ce que cette conjonction a réellement prédit. Cependant, avant tout, faisons nos dévotions. »

Au-dessus de la porte du petit cabinet, et peut-être en mémoire de l’événement qui s’était passé dans l’intérieur, était une niche grossièrement sculptée, dans laquelle on voyait un crucifix en pierre. Le roi fixa les yeux sur cette sainte image, comme s’il s’apprêtait à s’agenouiller devant elle : mais il s’arrêta tout court, comme s’il eût craint de manquer de respect à cet emblème religieux, en le faisant participer aux principes d’une politique mondaine, et jugé téméraire de s’en approcher avant de s’être assuré l’intercession particulière de quelque patron favori. Il se détourna donc du crucifix, comme se croyant indigne de le regarder ; et choisissant parmi les images qui, comme nous l’avons déjà dit souvent, garnissaient le tour de son chapeau, celle qui représentait Notre Dame de Cléry, il se mit à genoux devant elle, et lui adressa la prière extraordinaire que nous allons rapporter. On y remarquera que sa grossière superstition le portait en quelque sorte à considérer Notre-Dame de Cléry comme un être différent de Notre-Dame d’Embrun, à laquelle il adressait souvent ses vœux avec une dévotion toute spéciale.

« Douce Notre-Dame de Cléry, » s’écria-t-il en joignant les mains et en se frappant la poitrine ; « bienheureuse mère de miséricorde ! toi qui es toute-puissante auprès du Tout-Puissant, aie pitié de moi, qui ne suis qu’un pécheur ! Il est vrai que je t’ai un peu négligée pour ta bienheureuse sœur d’Embrun ; mais je suis roi : mon pouvoir est grand, ma richesse sans bornes ; et si elle n’était pas assez grande, j’imposerais une double gabelle sur mes sujets, plutôt que de ne pas vous payer mes dettes à toutes deux. Ouvre ces portes de fer… comble ces effroyables fossés… tire-moi de cet imminent danger, comme une mère qui conduit son fils ! Si j’ai donné à ta sœur le commandement de mes gardes, tu auras la vaste et riche province de Champagne, et ses vignes verseront l’abondance dans ton couvent. J’avais promis cette province à mon frère Charles… mais il est mort, tu le sais… empoisonné par ce méchant abbé d’Angely[1], que je punirai si

  1. C’est là un des anachronismes que se permet quelquefois notre auteur. Charles,