Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/406

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qu’une vengeance plus directe et plus expéditive serait injuste ? Faites venir devant moi votre témoin. Nous irons au château, une heure avant midi : nous rédigerons quelques articles, et il faudra que Louis les accepte, ou malheur à lui ! La séance est levée, messieurs ; que chacun de vous se retire. Moi, je vais changer de vêtements, car je suis à peine en costume convenable pour paraître devant mon très-gracieux souverain. » Le duc se leva en appuyant avec une ironique emphase sur ces derniers mots, et il sortit de l’appartement. — « La sûreté de Louis et, ce qui est plus grave encore, l’honneur de la Bourgogne dépendent d’un coup de dé, » dit d’Hymbercourt à Crèvecœur et à d’Argenton. « Cours au château, d’Argenton ; tu as une langue plus déliée que la mienne et que celle de Crèvecœur : fais connaître à Louis l’orage qui s’approche ; il saura mieux que personne comment le conjurer. J’espère que ce jeune garde ne dira rien qui puisse aggraver la situation du roi, car qui sait de quelle mission secrète il a été chargé ! — Ce jeune homme, dit Crèvecœur, paraît hardi, mais prudent, plus qu’on ne serait en droit de l’attendre d’après son âge ; dans tout ce qu’il m’a dit, il s’est attaché à ménager le roi, comme un prince au service duquel il se trouve : j’espère qu’il en agira de même en présence du duc ; je vais le chercher, ainsi que la jeune comtesse de Croye. — La comtesse ! vous nous avez dit que vous l’aviez laissée au couvent de Sainte-Brigitte, s’écria d’Hymbercourt. — En effet, répondit le comte, mais les ordres exprès du duc m’ont obligé de l’envoyer chercher ; elle a été amenée ici en litière, ne pouvant pas voyager autrement ; elle est dans la plus grande anxiété, tant à cause de son incertitude sur le sort de sa tante la comtesse Hameline, qu’à cause de l’obscurité qui plane sur le sien propre ; car elle s’est rendue coupable d’un délit féodal en voulant se soustraire à la protection de son seigneur suzerain, et le duc Charles n’est pas homme à voir avec indifférence la moindre infraction à ses droits seigneuriaux. »

La nouvelle que la jeune comtesse était au pouvoir de Charles, vint ajouter de nouvelles inquiétudes aux réflexions de Louis. Il savait qu’en révélant les intrigues à l’aide desquelles il l’avait déterminée, ainsi que la comtesse Hameline, à fuir en France, elle fournirait les preuves qu’il avait fait disparaître en ordonnant l’exécution de Zamet Maugrabin ; or, il n’ignorait pas combien une telle preuve de son intervention dans les droits du duc de