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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/410

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traîneraient de droit la forfaiture de son fief ? — Dans l’état où sont les choses, il ne serait pas facile de mettre à exécution la sentence de forfaiture, » répondit d’Argenton avec calme. « Votre Majesté n’ignore pas que la stricte observation des lois féodales tombe en désuétude, même dans l’empire germanique, et que le suzerain et le vassal travaillent à améliorer leur position respective, autant que leur pouvoir ou l’occasion le leur permettent. Les menées secrètes de Votre Majesté avec les vassaux du duc en Flandre justifieront suffisamment la conduite de mon maître, en supposant qu’il insiste pour que la France, en reconnaissant son indépendance absolue, n’ait plus à l’avenir la tentation d’en pratiquer de nouvelles. — D’Argenton ! d’Argenton ! » dit Louis en se levant de nouveau et en parcourant la chambre d’un air pensif, « ceci est un effroyable commentaire du texte : væ victis[1] ! Vous ne voulez pas sans doute me faire entendre que le duc insistera sur de si nombreuses et si dures conditions ? — Du moins voudrais-je que Votre Majesté fût préparée à les discuter toutes. — Cependant la modération, d’Argenton, la modération dans le succès, personne ne sait cela mieux que vous, est nécessaire pour s’assurer des avantages définitifs. — N’en déplaise à Votre Majesté, j’ai toujours vu que le mérite de la modération n’est jamais tant vanté que par le vaincu. Le vainqueur fait plus de cas de la prudence, qui lui dit de ne pas laisser échapper l’occasion favorable. — Eh bien ! nous y penserons ; mais j’espère que vous êtes arrivé à la dernière limite des prétentions déraisonnables de votre duc ? Est-ce bien tout ?… Mais non, ton regard me l’annonce ! Que veut-il donc encore ? que peut-il vouloir de plus ? Est-ce ma couronne ? Mais toutes les demandes que vous m’avez déjà faites lui auront ravi tout son lustre, si j’y accède jamais ! — Ce qui me reste à dire, Sire, dépend en partie, en grande partie, de la volonté du duc ; cependant il a dessein d’inviter Votre Majesté à y donner son agrément, car, en effet, c’est une chose qui vous touche de près. — Pâques-Dieu ! et quelle est cette chose ? » s’écria le roi d’un ton d’impatience, « expliquez-vous, sire Philippe ; faut-il que je lui envoie ma fille pour concubine ? ou de quel autre déshonneur veut-il encore que je me couvre ? — Il n’exige de vous aucun déshonneur, Sire. Le cousin de Votre Majesté, le duc d’Orléans… — Ah !… » s’écria le roi ; mais d’Argenton poursuivit sans prendre garde à cette interruption… « ayant donné son af-

  1. Malheur aux vaincus ! avait dit Brennus. a. m.