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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/412

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dence déjouée, de la sagacité mise en défaut, mon sort ne vous touche-t-il donc pas ? — Je prends part à vos peines, Sire, autant que mon zèle pour mon maître… — Ne parlez pas de lui ! » s’écria Louis obéissant ou feignant d’obéir à un transport fougueux et irrésistible qui lui faisait oublier la réserve habituelle de son langage ; « Charles de Bourgogne est-il digne de votre attachement, lui qui peut insulter et frapper ses conseillers ! lui qui ose donner au plus sage et au plus fidèle de tous le honteux surnom de Tête bottée ! »

La sagesse de Philippe de Comines ne l’empêchait pas d’avoir une haute opinion de son importance personnelle, et il fut tellement frappé des paroles qui venaient d’échapper au roi dans la chaleur d’un sentiment qui bannissait toute contrainte, qu’il ne put se défendre de répéter : « Tête bottée !… Il est impossible que le duc, mon maître, ait donné un tel surnom au serviteur qui ne l’a pas quitté depuis qu’il peut monter à cheval ; et cela, devant un monarque étranger ! C’est impossible ! »

Louis vit sur-le-champ l’impression qu’il avait produite, et évitant également de prendre un ton de commisération qui aurait pu passer pour une insulte, ou de sympathie qui aurait pu ressembler à de l’affectation, il dit avec simplicité et en même temps avec dignité : « Mes malheurs me font oublier les lois de la politesse, autrement je n’aurais pas parlé de ce qu’il doit vous être peu agréable d’entendre. Mais votre réponse m’accuse de dire des choses impossibles ; cela touche à mon honneur, et ce serait reconnaître la justesse de cette accusation, que de ne pas vous rapporter les circonstances auxquelles le duc, en riant jusqu’aux larmes, attribua l’origine de ce nom injurieux, qui ne blessera pas de nouveau vos oreilles en se retrouvant dans ma bouche. Voici donc comment il m’a conté cette affaire : vous l’aviez accompagné à une partie de chasse ; lorsqu’au retour il eut mis pied à terre, il vous pria de l’aider à retirer ses bottes. Lisant peut-être dans vos yeux un mécontentement bien naturel d’un traitement si dégradant, il vous fit asseoir à votre tour, et vous rendit le même service qu’il venait de recevoir de vous. Mais, offensé de vous voir lui obéir à la lettre, il n’eut pas plus tôt tiré une de vos bottes, qu’il vous en déchargea brusquement sur la tête un coup qui en fit jaillir le sang, se récriant contre l’insolence d’un sujet qui avait la présomption d’accepter un tel service des mains de son souverain. Depuis lors, lui et son fou favori, le Glorieux, ils sont dans l’habitude de vous