Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/54

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Il y avait quelque raison d’augurer un pareil dénoûment, car le brave Écossais avait déjà accosté le samaritain qui accourait à son secours, en s’écriant d’un ton furieux : « Chien discourtois ! pourquoi ne m’avez-vous pas répondu lorsque je vous ai demandé si le passage était guéable ? Que le diable m’emporte si je ne vous apprends à connaître une autre fois les égards que l’on doit aux étrangers ! »

Ces paroles furent accompagnées de ce mouvement significatif de son épieu que l’on appelle moulinet, parce que, tenant le bâton par le milieu, on brandit les deux bouts dans tous les sens, comme les ailes d’un moulin poussées par le vent. Son adversaire, se voyant ainsi menacé, porta la main à son épée ; car c’était un de ces hommes qui, dans toutes les occasions, sont plus disposés à agir qu’à discourir. Mais son camarade, moins bouillant, étant arrivé, lui ordonna de se tenir tranquille ; et, se tournant vers le jeune homme, l’accusa à son tour de précipitation pour s’être jeté dans une rivière dont les eaux étaient enflées, et de se laisser aller à un emportement blâmable en cherchant querelle à un homme qui accourait à son secours.

Le jeune Écossais, s’entendant ainsi réprimander par un homme d’un âge avancé et d’un air respectable, baissa sur-le-champ son épieu, et répondit qu’il serait au désespoir de commettre aucune injustice envers eux, mais que véritablement il lui semblait qu’ils l’avaient laissé mettre sa vie en péril, faute de l’avoir averti à temps, ce qui ne convenait ni à des gens honnêtes, ni à de bons chrétiens, encore moins à des bourgeois respectables, comme ils paraissaient être.

« Beau fils, dit le plus âgé, à votre accent et à votre air, il me semble que vous êtes étranger, et vous devriez considérer que nous ne comprenons pas votre langue aussi facilement que vous la parlez.

— Eh bien ! mon père, répondit le jeune homme, je m’embarrasse fort peu du bain que je viens de prendre, et je vous pardonnerai volontiers d’en avoir en partie été la cause, pourvu que vous m’indiquiez un lieu où je puisse faire sécher mes habits ; car je n’en ai pas d’autres, et il faut que je les conserve dans un état présentable. — Pour qui nous prenez-vous, beau fils ? » reprit le même interlocuteur sans répondre à ce discours.

« Pour de bons bourgeois, sans contredit ; ou bien, tenez, vous, monsieur, vous pourriez bien être un trafiquant d’argent, ou un