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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/56

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gent, n’avait d’autre ornement qu’une misérable plaque de plomb, représentant la sainte Vierge, semblable à celles que les plus pauvres pèlerins rapportaient de Lorette.

Son camarade était un homme robuste, d’une taille moyenne, et de dix ans plus jeune que lui : il avait un air sournois, et son sourire, lorsque par hasard il souriait, lui donnait un air sinistre, encore cela ne lui arrivait-il jamais qu’en réponse à certains signes secrets que le premier échangeait avec lui. Il était armé d’une épée et d’un poignard, et l’Écossais remarqua qu’il cachait sous son vêtement tout uni un jazeran (sorte de cotte de mailles flexible) ; et comme dans ces temps périlleux les hommes qui exerçaient les professions même les plus mécaniques avaient adopté l’usage de porter ce vêtement lorsqu’ils voyageaient pour leurs affaires, le jeune Écossais se confirma dans l’idée que ce pouvait être un boucher, un herbageur ou nourrisseur de bestiaux, ou quelque chose de semblable. Il n’eut besoin que d’un coup d’œil pour faire les remarques qu’il nous a fallu consacrer tant de temps à détailler ; et, après un moment de silence, il répondit en faisant une légère salutation : « Je ne sais à qui je puis avoir l’honneur de parler ; mais il m’importe peu que l’on sache que je suis un cadet écossais, et que je viens chercher fortune en France ou ailleurs, suivant l’usage de mes compatriotes. — Et, par la Pâque-Dieu ! c’est un excellent usage, » s’écria le plus âgé des deux inconnus. « Vous êtes un garçon de bonne mine, et de l’âge le plus propre à réussir parmi les hommes et auprès des femmes. Qu’en dites-vous ? Je suis négociant, et j’ai besoin d’un jeune homme pour m’aider dans mon commerce. Mais je suppose que vous êtes trop monsieur pour vous abaisser à un métier aussi ignoble. — Mon bon monsieur, si l’offre que vous me faites est sérieuse, ce dont je doute un peu, je vous dois des remercîments, et je vous les adresse ; mais je crains que je ne sois tout à fait incapable de vous servir. — Ah, ah ! je parierais que tu es plus habile à tirer de l’arc qu’à faire un mémoire ; tu manies le sabre mieux que la plume, n’est-ce pas ? — Je suis un homme de bruyères, monsieur, et par conséquent archer, comme nous le disons. Mais j’ai été dans un couvent, et les bons pères m’ont enseigné à lire, à écrire, et même à compter. — Par la Pâque-Dieu ! cela est trop magnifique. Par Notre-Dame d’Embrun ! tu es un prodige, mon ami. — Riez tout à votre aise, mon beau monsieur, » répliqua le jeune homme à qui le ton de plaisanterie de sa nouvelle connaissance ne convenait que faiblement ;