Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/97

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sons délicieux qui dans la matinée l’avaient plongé dans une si douce rêverie : mais cette circonstance n’était qu’un chapitre de roman, et la conversation de son oncle lui avait ouvert une page de l’histoire véritable de la vie. Cette page n’était pas agréable ; et les souvenirs, les réflexions qu’elle faisait naître, étaient de nature à écarter toute autre pensée, surtout les idées légères et riantes.

Afin de dissiper son ennui, Quentin se décida à faire une promenade solitaire sur les bords du Cher au cours rapide, après avoir préalablement demandé à son hôte quelle route il pouvait suivre sans être exposé à voir sa marche interrompue d’une manière désagréable par des pièges ou des chausse-trappes. Là, il s’efforça de calmer son esprit agité, et de réfléchir sur le parti qu’il devait adopter, son entrevue avec son oncle n’ayant nullement dissipé son incertitude.


CHAPITRE VI.


Il cheminait si lestement, avec une telle étourderie et une si grande légèreté, qu’il finit par sauter et gambader sous la potence.
Ancienne chanson.


La manière dont Quentin avait été élevé n’était pas de nature à lui amollir le cœur ni même à perfectionner en lui le sentiment moral. De même que tous les Durward, il avait été accoutumé à regarder la chasse comme un amusement, et à considérer la guerre comme la seule occupation sérieuse. Le plus important devoir de toute leur vie était, selon eux, de souffrir avec une constance opiniâtre, et de rendre à leurs ennemis féodaux, par les représailles les plus violentes, les maux par lesquels ceux-ci avaient récemment presque anéanti leur race. Et cependant il se mêlait à ces haines héréditaires un esprit de chevalerie et de courtoisie grossière qui en tempérait la rigueur ; de sorte que la vengeance, la seule justice qu’ils connussent, ne s’exerçait pas sans un certain sentiment d’humanité et de générosité. D’un autre côté, les leçons du bon vieux moine, que Quentin avait mieux écoutées peut-être pendant un long intervalle de maladie et d’adversité, qu’il ne l’aurait fait dans un état de santé et de calme, lui avaient donné des notions plus justes sur les droits de l’humanité ; aussi, eu égard à l’ignorance qui régnait à cette époque, aux préjugés qu’on avait conçus en faveur de la vie militaire, et à la manière