Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/102

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de communication entre les nations paisibles qui emploieront aux intérêts du commerce et à la prospérité générale cet ouvrage gigantesque, entrepris dans des projets ambitieux d’invasion et de conquête.

Tout en marchant doucement, nous tournâmes peu à peu la côte de Ben-Cruachan, et, descendant le cours rapide et écumant de l’Awe, nous laissâmes derrière nous le vaste et majestueux lac qui donne naissance à cette rivière impétueuse. Les rochers et les précipices que nous apercevions perpendiculairement au-dessous de nous, sur la droite, nous offraient quelques restes des forêts dont ils avaient été revêtus autrefois, mais qui, dans les derniers temps, avaient été abattues pour entretenir les fonderies de fer de Bunawe, à ce que nous apprit Donald. Tandis que nous admirions ce tableau, nos regards se fixèrent avec intérêt sur un énorme chêne qui s’élevait toujours à notre droite, sur la rive gauche de la rivière et tout près du bord. Cet arbre, d’une grandeur extraordinaire et d’une beauté pittoresque, se trouvait précisément dans un endroit où il paraissait y avoir quelques perches d’un terrain découvert, situé au milieu d’énormes pierres qui s’étaient écroulées du sommet de la montagne. Pour ajouter au romantique de cette situation, un rocher, au front sourcilleux, s’élevait au milieu de ce terrain nu, et, de son sommet, qui avait la hauteur de soixante pieds, se précipitait un torrent, dont les eaux se transformaient en écume et en rosée dans leur chute. Au pied du rocher, ce torrent, semblable à un général en déroute, rassemblait ses forces dispersées, et, comme s’il eût été dompté par la violence de sa chute, il se frayait sans bruit un passage à travers la bruyère, pour aller joindre les flots de l’Awe.

La vue de cet arbre et de cette chute d’eau me frappèrent tellement, que je désirai m’en approcher, non pour en faire l’esquisse ni enrichir mon porte-feuille ; car, dans mon jeune temps, les demoiselles n’avaient pas coutume de se servir de crayons à la mine de plomb, à moins qu’elles n’eussent assez de talent pour en faire réellement un bon usage : je voulais seulement me procurer le plaisir de voir le lieu de plus près. Donald ouvrit sur-le-champ la portière, mais en me faisant observer que la descente de la montagne était rude, et que je verrais l’arbre bien mieux en continuant à suivre la route qui, un peu plus loin, se trouvait très-rapprochée de cet endroit, pour lequel toutefois il ne