Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/119

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Elle n’avait nul moyen de se procurer les provisions nécessaires ; mais cette considération était d’importance à ses yeux : les heureux caterans amèneraient sans doute avec eux des bestiaux de toute espèce. En attendant, la cabane fut préparée pour les recevoir ; l’usquebaugh fut brassé et distillé en si grande quantité, qu’on n’aurait pu supposer qu’une seule femme eût été capable d’y suffire. La hutte fut appropriée et rangée avec un tel ordre, qu’on aurait pu croire, jusqu’à un certain point, qu’il s’agissait d’un jour de fête. Elle la balaya et l’orna de brandies et de rameaux de diverses espèces, comme la maison d’une juive, le jour de la fête des Tabernacles. Le lait de son petit troupeau fut préparé sous toutes les formes que son habileté put inventer, afin de régaler son fils et les compagnons valeureux qu’elle s’attendait à recevoir avec lui.

Mais le principal décor, celui qu’elle recherchait avec le plus de soin, fut le cloud-berry[1], fruit écarlate, qui ne se trouve que sur le sommet de très-hautes montagnes, et seulement en petite quantité. Son époux, ou peut-être quelqu’un de ses ancêtres, avait choisi ce fruit pour emblème de sa famille, parce qu’il semblait tout à la fois indiquer, par sa rareté, le petit nombre d’individus dont se composait le clan ; et, par la hauteur où on le trouve, l’élévation ambitieuse de leurs prétentions.

Pendant tout le temps que durèrent ces préparatifs, Elspat fut dans un trouble qui tenait du bonheur et de l’inquiétude ; et cette inquiétude provenait de la seule crainte qu’elle avait de ne pouvoir préparer tout assez promptement pour accueillir, comme elle l’aurait voulu, Hamish et ses compagnons.

Mais lorsque tous ses efforts furent épuisés, elle se trouva encore une fois sans autre occupation que le soin insignifiant de ses chèvres. Il ne lui restait plus qu’à passer en revue ses préparatifs, à renouveler ceux que le temps pouvait altérer, à remplacer les branches desséchées et les rameaux flétris. Alors elle s’asseyait à la porte de sa cabane, les regards fixés sur la route, qui, d’un côté, partant des rives de l’Awe, se dessinait en montant jusqu’à elle ; et, de l’autre, faisait un circuit autour de la montagne, s’accommodant aux lieux élevés ou unis, autant que le plan de l’ingénieur militaire l’avait permis. Tandis qu’elle était ainsi occupée, son imagination, anticipant sur l’avenir à l’aide des sou-

  1. Sorte d’acrelle aux baies rouges. Cloud veut dire nuage ou tache, et berry signifie grain ou baie. a. m.