Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/158

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dicatif de ses compatriotes avait besoin d’être fortement contenu par le frein puissant de la loi ; mais il pleurait l’homme qui en avait été la victime. Qui peut accuser la foudre du ciel lorsqu’elle éclate au milieu des arbres de la forêt ? Et pourtant qui peut s’empêcher de gémir lorsqu’elle va frapper le tronc superbe du jeune chêne qui promettait d’être l’orgueil de la vallée qui l’avait vu naître ? Méditant sur ces tristes événements, midi le surprit dans les défilés de la montagne qui devaient le conduire à sa demeure encore éloignée.

Se confiant dans la connaissance qu’il avait du pays, le ministre avait quitté la grande route pour prendre un de ces sentiers plus courts, qui ne sont ordinairement fréquentés que par les piétons ou par ceux qui montent des chevaux du pays, petits, mais d’un pied sûr et d’une intelligence extrême. Le lieu qu’il avait alors à traverser était triste et désolé, et des traditions y ajoutaient encore toutes les terreurs de la superstition ; car on assurait qu’il était fréquenté par le malin esprit appelé Cloght-dearg, c’est-à-dire, Manteau-Rouge. Cet esprit, revêtu de la forme d’une femme, disait-on, traversait la vallée à toute heure, mais principalement à midi et à minuit. Ennemi de l’homme et de tous les êtres de la création, il faisait tout le mal que son pouvoir lui permettait de faire, et se plaisait à glacer d’horreur et d’effroi ceux auxquels il ne pouvait nuire autrement.

Le ministre de Glenorquhy s’était déclaré ouvertement contre la plupart de ces idées superstitieuses, qu’il regardait avec raison comme provenant des siècles ténébreux du papisme, peut-être même de ceux du paganisme, et comme ne méritant ni l’attention ni la croyance des chrétiens d’un âge éclairé. Plusieurs de ses paroissiens, ceux même qui lui étaient le plus attachés, l’accusaient de témérité dans son opposition à l’ancienne croyance de leurs pères : quoiqu’ils admirassent la force morale de leur pasteur, ils ne pouvaient s’empêcher de lui témoigner la crainte qu’il ne devînt un jour la victime de sa témérité, et qu’il ne fût déchiré en morceaux dans la vallée de Cloght-dearg, ou dans quelque autre de ces solitudes sauvages qu’il semblait traverser seul avec une sorte de plaisir et d’orgueil, aux heures où l’on supposait que les malins esprits avaient le plus de pouvoir sur les hommes et les animaux.

Les traditions qu’il avait entendu raconter lui revinrent à l’esprit en traversant cette solitude, et un sourire mélancolique passa