Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que vous n’oubliiez vos ridicules caprices. Mais, allons, Dick, c’est la première fois qu’il m’arrive de vous voir de si mauvaise humeur, et vous avez, je l’avoue, dans votre situation, bien des motifs qui peuvent vous faire excuser plus d’impatience que vous n’en avez montré. Mais vous ne tournerez pas votre ressentiment contre moi qui ne suis nullement en faute. Vous vous rappellerez que je fus votre tout dévoué et unique ami, et que je me chargeai de vous lorsque tout le monde vous abandonnait.

Je ne vous en remercie pas, » dit Richard, se laissant aller à un accès de véritable colère ; « vous auriez mieux agi à mon égard, si vous aviez voulu.

— Et de quelle manière, jeune ingrat ? » demanda le docteur dont le sang-froid était un peu troublé.

« Il fallait me jeter sous les roues de la voiture qui les entraînait, et ils auraient brisé le corps de leur enfant comme ils l’ont fait de ses sentiments les plus tendres. »

En parlant ainsi, il se précipita hors de la chambre, et ferma la porte derrière lui avec une grande violence, laissant son tuteur étonné d’un changement si soudain et si complet dans son caractère et dans ses façons d’agir.

« Quel démon s’est donc emparé de lui ? ah, bien ! l’esprit d’orgueil ! et le voilà désappointé au sujet de quelques folies que ce Tom Hillary lui a mises dans la tête… mais c’est un cas qui exige des anodins, et nous le traiterons en conséquence. »

Pendant que le docteur prenait cette résolution, que lui dictait son bon cœur, le jeune Middlemas courut à l’appartement de Nourrice Jamieson, où la pauvre Menie, pour qui sa présence était toujours un motif de joie, se hâta de lui montrer, pour qu’il l’admirât, une nouvelle poupée dont elle avait fait acquisition. Personne, en général, ne s’intéressait plus aux amusements de Menie que Richard ; mais pour l’instant, Richard, comme son célèbre homonyme[1], n’était pas d’humeur ; il repoussa la petite fille avec si peu d’attention, et même si brutalement, que la poupée lui échappa des mains, tomba sur la pierre du foyer, et y brisa son visage de cire… Cette brutalité lui attira une remontrance de Nourrice Jamieson, bien que le coupable fût son cher mignon.

« Fi donc, Richard, fi !… on ne vous reconnaîtrait pas, à la manière dont vous traitez miss Menie… Miss Menie, taisez-vous, et je vous aurai bientôt raccommodé la figure de votre poupée. »

  1. Richard III, voyez le drame de Shakspeare. a. m.