Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/249

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concerne les goûts, Richard était un pêcheur habile et heureux… Adam, un tireur hardi et sûr. Leurs efforts à se surpasser l’un l’autre, pour approvisionner la table du docteur Grey, amélioraient beaucoup son ordinaire. En outre, de petits cadeaux de poisson et de gibier, toujours agréables même aux principaux habitants d’un bourg, contribuaient à augmenter la popularité des deux jeunes compagnons.

Tandis que la population était divisée, à défaut de meilleur sujet de dispute, touchant les mérites comparatifs des deux apprentis du docteur Grey, le docteur lui-même était choisi parfois pour arbitre. Mais en cette occasion, comme en toute autre, il se montrait circonspect. Il disait que ses élèves étaient tous deux de bons garçons, et deviendraient des hommes utiles dans leur état, s’ils ne finissaient point par perdre la tête au milieu de l’admiration des badauds du village et des parties de plaisir qui le détournaient si souvent de leurs travaux. Sans doute il était naturel qu’il eût plus de confiance dans Hartley, fils de parents connus, et presque d’aussi bonne race que s’il était né en Écosse. Mais, s’il se laissait aller à une telle partialité, il se le reprochait lui-même, puisque le jeune étranger, si bizarrement confié à ses soins, avait droit, sous tous les rapports, à la protection et à la tendresse dont il était capable ; et vraiment le jeune homme se montrait si reconnaissant qu’il lui était impossible de témoigner le moindre désir sans que Dick Middlemas se hâtât de le satisfaire. Il y avait dans le bourg de Middlemas des gens assez indiscrets pour supposer que miss Menie Grey devait être meilleur juge que personne du mérite comparatif de ces deux êtres accomplis, sur lesquels l’opinion publique était généralement divisée. Nulle de ses plus intimes amies n’osait lui poser la question en termes précis ; mais sa conduite était surveillée de près, et les critiques remarquèrent que les attentions qu’elle témoignait à Adam Hartley se distinguaient par plus d’abandon et de franchise. Elle riait, jasait et dansait avec lui, tandis qu’à l’égard de Dick Middlemas, sa conduite était plus réservée : les prémisses semblaient certaines, mais le public était encore partagé sur les conclusions.

Il n’était pas possible que les jeunes gens fussent l’objet de telles discussions sans savoir qu’elles existaient ; et ainsi comparés sans cesse par la petite société dans laquelle ils vivaient, il aurait fallu qu’ils fussent de meilleure pâte que les autres mortels pour ne pas se laisser peu à peu gagner eux-mêmes par l’esprit de contro-