Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/251

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rurgien avait, en vérité, un petit air fort gentil, et qu’elle paraissait comprendre qui elle était et où elle se trouvait. Quant au jeune laird lui-même, il sautait si haut, et riait si fort, que le bruit ne tarda point à courir qu’il avait formé le sot projet de sortir de sa sphère, et de convertir la fille d’un docteur de village en une dame de son ancien nom.

Durant cette mémorable soirée, Middlemas et Hartley, qui avaient trouvé place dans la galerie des musiciens, furent témoins de la scène, et ils en éprouvèrent des sentiments bien divers. Hartley était évidemment vexé par l’excès d’attention que le galant laird de Louponheight, stimulé par l’influence d’une couple de bouteilles de vin, et par la présence d’une partenaire qui dansait admirablement, témoignait à miss Menie Grey. Il voyait de son poste élevé tout ce manège muet de galanterie avec les mêmes sensations qu’éprouve un être affamé à la vue d’un bon repas auquel il n’a point permission de toucher ; et il regardait chaque gambade extraordinaire du jovial seigneur comme les aurait regardées un goutteux qui eût craint que le noble danseur ne vint lui tomber sur les pieds. Enfin, ne pouvant plus maîtriser son émotion, il quitta la galerie et ne revint plus de la soirée.

Bien différente fut la conduite de Middlemas. Il paraissait joyeux des attentions que l’on prodiguait généralement à miss Grey, et de l’admiration qu’elle excitait. Il regardait le vaillant laird de Louponheight avec un dédain qu’on ne saurait décrire, et s’amusait à faire remarquer au maître de danse du village, qui avait pris rang pro tempore parmi les musiciens, les bonds et les pirouettes ridicules dans lesquels ce digne personnage déployait plus de vigueur que de grâce.

« Vous ne devriez pas rire si fort, maître Dick, répliqua le maître de cabrioles ; il n’a pas eu le bonheur de recevoir, comme vous, les leçons d’un professeur éminemment gracieux ; et, sur ma parole, s’il voulait prendre quelques cachets, je crois que je pourrais faire quelque chose de ses pieds, car il a de la souplesse dans le jarret et de l’élégance naturelle dans le cou-de-pied. Et puis il y a long-temps qu’on n’avait vu un bonnet si bien galonné dans les rues de Middlemas… Vous restez là à rire, Dick Middlemas ; je voudrais être bien sûr qu’il ne fauche pas votre foin en faisant ainsi sauter votre jolie partenaire.

— Lui ! me… » Middlemas commençait une phrase qu’il n’aurait pu achever d’une manière extrêmement convenable, lorsque le