Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/269

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contre le mulapitawny et le curry[1], voici tout ce que je puis vous dire : il est indispensable que vous entriez d’abord au service comme simple cadet ; pourtant, de par le diable ! vous vivriez avec moi en frère pendant la traversée, et dès l’instant que nous prendrions terre à Madras, je vous mettrais à même d’acquérir et richesses et gloire. Vous avez, je crois, quelque peu d’argent, une couple de mille livres, ou environ ?

— De mille à douze cents livres, » répondit Richard, affectant l’indifférence de son compagnon, mais honteux intérieurement de la modicité de ses ressources.

« C’est tout autant qu’il vous en faudra pour votre équipement et votre passage, lui répliqua son conseiller ; et vraiment n’eussiez-vous pas un liard, ce serait encore la même chose ; car quand j’ai dit une fois à un ami : Je vous aiderai, Tom Hillary n’est pas homme à reculer par crainte de dépenser des couris. Pourtant, mieux vaut que vous possédiez une espèce de capital pour commencer.

— Oui, répondit le néophyte… Je n’aimerais pas à être à charge à personne. J’ai presque envie, à vous dire vrai, de me marier avant de quitter l’Angleterre ; et dans ce cas, vous comprenez, l’argent sera nécessaire, soit que ma femme parte avec nous, soit qu’elle reste ici jusqu’à ce qu’elle apprenne comment le sort m’a favorisé. Ainsi, en définitive, je puis avoir quelques centaines de livres à vous emprunter.

— Que diable dites-vous là, Dick ? épouser ! contracter mariage ! s’écria le capitaine. Qui a pu mettre dans la tête d’un brave et jeune gaillard comme vous, qui entre dans ses vingt et un ans, et qui a six pieds, sans compter la semelle de ses souliers, de se rendre esclave pour la vie ? Non, non Dick, vous n’en ferez jamais rien. Rappelez-vous la vieille chanson :

Mon ami Buff, restez garçon :
Vive un cœur froid et peu sensible !

— Oui, oui, voilà qui sonne fort bien, répliqua Middlemas ; mais encore faut-il se débarrasser d’une foule de vieux souvenirs.

— Le plus tôt est le mieux, Dick, les vieux souvenirs sont comme les vieux habits, et l’on doit s’en défaire par raison de santé ; ils tiennent de la place dans la garde-robe, et ce serait bles-

  1. Le mouton est la viande de prédilection en Écosse ; le haggis, sorte de pouding, y est un mets recherché ; le mulagatawny est une soupe des Indes, et le curry également un ragoût indien très-épicé. a. m.