Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/283

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— Ne traitez point cette affaire si légèrement, monsieur, reprit Middlemas, on m’a volé mille livres sterling. »

Ici, la gravité du gouverneur fut totalement déconcertée, et son rire trouva de l’écho dans plusieurs des malades, soit qu’ils désirassent gagner par cette flatterie la faveur du surintendant, soit qu’ils cédassent à ce penchant qui porte les mauvais esprits à se réjouir des tortures de ceux qui partagent leur agonie.

« Mille livres sterling ! s’écria le capitaine lorsqu’il eut repris haleine… allons, c’est délicieux… j’aime un coquin qui ne fait pas deux bouchées d’une cerise… Ma foi ! il n’y a pas un misérable dans la maison qui prétende avoir perdu autre chose que quelques shillings, et voilà un serviteur de l’honorable compagnie à qui l’on a volé mille livres ! Fort bien, M. Tom de Dix-mille… vous faites honneur à la maison et à la compagnie ! Sur ce, je vous souhaite le bonsoir. »

Il passa, et Richard, tombant dans un accès de rage et de désespoir, trouva, tandis qu’il s’efforçait de crier après lui, que sa voix, par un effet de la soif ou de la fureur, refusait de faire son office. « De l’eau, de l’eau ! » dit-il en même temps qu’il saisissait par la manche un des aides qui suivaient Seelen Cooper. Le drôle se retourna tranquillement. Il y avait une cruche au bas du lit des joueurs de cribbage, il la passa à Middlemas en lui disant : « Buvez et que le diable vous emporte ! «

L’aide n’eut pas plus tôt le dos tourné que le joueur se jeta de son lit sur celui de Middlemas, et arrêtant avec force le bras de Richard avant qu’il pût porter la cruche à sa bouche, jura qu’il ne lui prendrait pas sa boisson. On peut aisément conjecturer que le vase réclamé avec tant d’acharnement et de fureur contenait autre chose que le pur élément. En effet, c’était en grande partie du genièvre. La cruche fut brisée dans la lutte, et la liqueur répandue. Middlemas porta à l’assaillant un coup qui fut de bon cœur et amplement rendu, et un combat se serait engagé sans l’intervention du surintendant et de ses aides. Ceux-ci avec une dextérité qui montrait combien ils étaient accoutumés à de pareils événements, mirent une chemise de force à chacun des antagonistes. Les efforts de Richard pour s’en défendre ne lui valurent qu’un coup de bambou du capitaine Seelen Cooper, et une tendre admonition de retenir sa langue s’il tenait à sa peau.

Irrité à la fois par des souffrances d’esprit et de corps, tourmenté par une soif dévorante, et par le sentiment de sa terrible