Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/288

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avant de les embarquer devint évidente : plusieurs officiers de marine au service de la compagnie déclarèrent que sans cette précaution on aurait à craindre de dangereuses mutineries durant la traversée.

Pour remédier au premier de ces maux, la cour des directeurs envoya dans l’île plusieurs de ses officiers de santé, au nombre desquels se trouva Hartley, dont le mérite avait été unanimement reconnu par un conseil de médecine, devant lequel il avait subi un examen, outre qu’il possédait un diplôme de l’université d’Édimbourg, comme docteur-médecin.

Pour raffermir la discipline parmi les soldats, la cour donna plein pouvoir à un de ses membres, au général Witherington. Ce général était un officier qui avait acquis une haute réputation au service de la compagnie. Il était revenu des Indes depuis cinq ou six ans, possesseur d’une fortune considérable, qu’il avait encore accrue par un mariage avantageux avec une riche héritière. Le général et sa compagne allaient peu dans le monde, et semblaient ne vivre que pour leur jeune famille, qui se composait de trois enfants, deux garçons et une fille. Quoiqu’il fût retiré du service, il accepta volontiers la charge qui lui était confiée temporairement. S’établissant dans une maison située à une certaine distance de la ville de Ryde, il se mit à former ces recrues en différents corps, à leur assigner des officiers capables, et il parvint graduellement, par des instructions et une discipline régulière, à introduire parmi eux une espèce d’ordre. Il écoutait leurs plaintes sur la mauvaise qualité des vivres, et sur tout autre sujet, et leur rendait en toute occasion la plus rigoureuse justice, si ce n’est qu’il était bien connu pour ne jamais libérer du service un soldat de recrue, quelque injustes et même illégaux qu’eussent été les moyens employés pour obtenir son enrôlement.

« Ce n’est pas mon affaire de m’inquiéter, disait le général Witherington, comment vous êtes devenus soldats… Je vous ai trouvés soldats, et je vous laisserai soldats. Mais j’aurai toujours grand soin que, comme soldats, il ne vous manque absolument rien, pas un liard, pas une tête d’épingle de ce que vous avez droit de réclamer. Il se mit à l’œuvre sans craindre ni favoriser personne, dénonça de nombreux abus à la cour des directeurs, fit renvoyer du service plusieurs officiers, commissaires, etc., et rendit son nom aussi redoutable aux concussionnaires dans son pays, qu’il l’avait été dans l’Indoustan aux ennemis de la Grande-Bretagne.