Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/322

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— Mon frère a parlé sagement, répondit le malade. Heureuse est la maladie, si elle te fait connaître un sage médecin ; car, que dit le poète ?… « Il est heureux pour toi de tomber par terre, si tu dois, pendant que tu y rampes, trouver un diamant. »

Le médecin fit des visites régulières à son client, et continua d’en faire, même après que la santé d’El Hadgi fut entièrement rétablie. Il ne lui fut pas difficile de découvrir en cet homme un de ces agents secrets fréquemment employés par les souverains asiatiques. L’intelligence, l’instruction, et surtout l’esprit souple et exempt de préjugés de ce fakir, ne permettaient pas de douter que Barak ne possédât les talents nécessaires pour conduire les négociations les plus délicates ; tandis que la gravité de ses habitudes et de sa profession n’empêchaient pas ses traits d’exprimer parfois une gaieté qu’on ne voit pas ordinairement dans les saints personnages de sa classe.

Barak el Hadgi parlait souvent, dans leurs entretiens particuliers, de la puissance et de la dignité du nabab de Mysore ; et Hartley ne doutait guère qu’il ne vînt de la cour d’Hyder-Ali, avec quelque mission secrète, peut-être pour conclure une paix plus durable entre ce prince habile et adroit et le gouvernement de la compagnie des Indes orientales : car celle qui existait pour le moment n’était guère regardée, de part et d’autre, que comme une trêve peu stable et peu sincère. Le fakir racontait beaucoup d’histoires à l’avantage de ce prince, qui fut certainement un des plus sages dont l’Indoustan puisse se vanter, et qui, au milieu de grands crimes, exécutés pour satisfaire son ambition, déploya en beaucoup d’occasions une générosité royale, et, ce qui est un peu plus étonnant, une justice rigoureuse.

Un jour Barak el Hadgi, peu avant de quitter Madras, visita le docteur, et partagea un sorbet préparé par Hartley ; il les préférait aux siens, peut-être parce que l’Européen y ajoutait une certaine dose de rhum ou d’eau-de-vie pour en relever la saveur. Ce fut sans doute par de fréquentes visites faites au vase qui contenait ce généreux fluide, que le fakir se montra plus franc que de coutume dans ses discours, et que, non content de louer son nabab avec l’éloquence la plus hyperbolique, il fit entendre qu’il jouissait lui-même d’un certain crédit auprès de l’Invincible, du Seigneur et du Bouclier de la foi du prophète.

« Frère de mon âme, dit-il, vois si tu as besoin de quelque chose que te puisse donner le tout-puissant Hyder-Ali Khan