Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/335

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mais je ne vous offenserai pas une seconde fois… qui peut, j’espère, mériter votre faveur ?

— Quand j’ai souhaité vous voir en particulier, monsieur Hartley, et que je vous ai refusé un entretien en public, où nous n’aurions pu causer librement, c’était dans l’intention de tout vous dire. Je pensais bien que d’anciens souvenirs vous causeraient quelque peine, mais je comptais que cette peine ne durerait qu’un moment ; et comme je désire conserver votre amitié, il est convenable de vous montrer que je la mérite encore. Je dois donc vous exposer ma situation après la mort de mon père. Dans l’opinion du monde, nous avions toujours été pauvres, comme vous le savez, mais dans le véritable sens du mot, je n’avais point réellement connu la pauvreté, jusqu’au moment où je fus mise sous la dépendance d’une parente éloignée de mon pauvre père, qui trouva dans notre parenté une raison de rejeter sur moi toute la peine du ménage, tandis qu’elle ne voulut pas entendre que cette même parenté me donnait le droit de réclamer amitié, tendresse, autre chose enfin que le soulagement de mes plus pressants besoins. Dans ces circonstances, je reçus de M. Middlemas une lettre dans laquelle il me marquait son fatal duel et les suites qu’il avait eues. Il n’avait point osé m’écrire de partager sa misère… Mais, lorsqu’il occupa un poste lucratif, lorsqu’il fut sous la protection d’un prince puissant, qui savait, dans sa sagesse, apprécier et protéger les Européens qui entraient à son service, lorsqu’il eut l’espérance de rendre à notre gouvernement des services essentiels par le crédit dont il jouissait près d’Hyder-Ali, et qu’il put entrevoir la possibilité d’obtenir la permission de revenir à Madras et de terminer la malheureuse affaire relative à la mort de son commandant ; alors il me pressa de passer aux Indes, et de venir partager sa fortune redevenue prospère, en accomplissant l’engagement que nous avions pris il y a tant d’années. Une somme d’argent considérable accompagnait cette lettre. Mistress Duffer m’était désignée comme une femme respectable, qui me protégerait durant la traversée. Mistress Montreville, dame d’un haut rang, possédant d’immenses propriétés et un vaste crédit dans le Mysore, devait me recevoir à mon arrivée au fort Saint-George, et me conduire en sûreté dans les domaines d’Hyder. Il m’était en outre recommandé, vu la situation particulière de M. Middlemas, de taire son nom dans toute cette affaire, et d’alléguer, pour motif de mon voyage, que j’allais remplir un emploi dans la maison de