Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/74

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même dans mes rêves les plus flatteurs. Je sais que la littérature écossaise sera toujours prohibée de ce côté, et soumise à un droit, comme le whisky écossais. Mais en voilà assez sur ce sujet. Si quelque lecteur est d’une intelligence assez épaisse pour ne pas comprendre les avantages qui rendent un format volumineux, préférable à une collection de feuilles fugitives, qu’il compare la portée d’un fusil chargé de chevrotines à celle de ce même fusil ayant reçu la même quantité de plomb sous la forme d’une balle.

D’ailleurs, il était beaucoup moins important pour moi de faire un ouvrage périodique, puisque je n’avais pas l’intention de solliciter, ni même d’accepter les articles communiqués, soit par mes amis, soit par des critiques moins favorablement disposés à mon égard. Malgré les excellents exemples que je pourrais citer, je n’établirai point chez moi un tronc à aumônes, sous la forme d’une tête de lion ou de celle d’un âne. Ce qui sera bon ou mauvais dans mes écrits sera la production de moi seul, ou de quelques amis particuliers. Autrement, il se pourrait que plusieurs de ceux qui me prêteraient volontiers le secours de leur esprit eussent plus de talent que moi : je verrais alors un brillant article paraître au milieu de mes pâles productions, comme un morceau de dentelle sur un manteau gris écossais de Galashiels[1]. Quelques-uns aussi pourraient fort bien être encore plus faibles que moi : alors, il me faudrait rejeter leur travail, au risque de blesser leur susceptibilité d’auteur, ou bien il faudrait m’en contenter, et me résoudre à rendre mes propres ténèbres plus opaques et plus palpables. « Que chaque hareng, » comme dit le vieux proverbe, « reste suspendu par sa propre tête. »

Je puis cependant désigner une personne qui a cessé d’exister, et qui, pendant sa longue carrière, m’honora de son amitié : nous étions parents à la façon écossaise, et Dieu sait combien de degrés il y avait entre nous ; de plus, nous étions amis, dans le sens de la vieille Angleterre. Je veux parler de feu l’excellente et regrettée mistress Bethune Baliol. Mais comme je destine cet admirable portrait du vieux temps à figurer dans mon ouvrage comme caractère principal, je me bornerai à dire ici qu’elle connaissait et approuvait mon projet ; et quoiqu’elle refusât d’y contribuer pendant sa vie, par un sentiment de réserve et de modestie qu’elle jugeait convenable à son âge et à son sexe, elle me laissa quelques matériaux, que je désirais vivement posséder depuis qu’elle

  1. Bourg d’Écosse où existent des manufactures de drap. a. m.