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LES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.

Peut-être l’auteur de Waverley est-il sur le point de courir un danger du même genre, et de risquer sa popularité pour avoir quitté l’incognito. Ce n’est certainement pas une expérience volontaire que je tente comme Arlequin ; car, mon intention première était de ne jamais avouer les nouvelles dont je me reconnais aujourd’hui l’auteur : seulement, pendant ma vie, les manuscrits originaux avaient été soigneusement conservés, quoique plutôt par les soins des autres que par les miens, dans le dessein de servir de preuve évidente de la vérité, quand l’époque de la faire connaître serait arrivée. Mais les affaires de mes éditeurs étant malheureusement passées en d’autres mains, je compris que je n’avais plus le droit de compter sur le secret de ce côté : ainsi mon masque, comme celui de ma tante Dinah, dans Tristram Shandy, ayant commencé à s’user un peu du côté du menton, force me fut de le mettre de côté de bonne grâce, si je ne voulais le voir tomber morceau par morceau.

Cependant je n’avais pas la plus légère intention de choisir pour cette révélation le moment et le lieu où elle fut accomplie. Il n’y eut non plus rien de concerté entre mon savant et respectable ami lord Meadowbanck[1] et moi dans cette occasion. Ce fut, comme le lecteur le sait probablement, le 23 février dernier[2], dans une assemblée publique convoquée pour l’établissement d’une caisse de retraite pour les artistes dramatiques, que cette communication eut lieu. Avant qu’on se mît à table, lord Meadowbank me demanda si je désirais encore garder l’incognito sur ce qu’il appelait les romans Waverley. Je ne compris pas immédiatement où tendait la question de Sa Seigneurie, quoique, avec un peu de réflexion, il m’eût été facile de le deviner, et je répondis qu’il y avait maintenant tant de gens dans le secret, que j’étais devenu indifférent sur ce point. Ce fut ce qui porta lord Meadowbank, tout en me faisant l’honneur de proposer ma santé à l’assemblée, à dire, au sujet de ces romans, quelques mots qui me désignaient si clairement pour en être l’auteur, qu’en gardant le silence je me serais trouvé convaincu soit de la paternité réelle, soit du tort beaucoup plus grand de solliciter indirectement des louanges auxquelles je n’avais aucun titre. Je me trouvai donc, à l’improviste, placé dans le confessionnal, n’ayant que le temps de me rappeler que j’y avais été conduit par la main d’un ami, et que

  1. L’un des juges de la cour suprême d’Écosse. a. m.
  2. En 1827. a. m.