Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/99

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famille campagnarde. Ces hôtes savaient joindre à la simplicité rustique de leurs mœurs primitives une sorte de courtoisie naturelle à un peuple chez lequel les individus de la classe la plus pauvre se considèrent comme étant, selon la phrase espagnole, « aussi nobles que le roi, quoique un peu moins riches. »

Donald Mac Leish était connu de toutes ces personnes, et sa seule présence suffisait pour nous faire aussi bien recevoir, que si nous eussions porté avec nous des lettres de recommandation de quelque chef des montagnes.

Quelquefois l’hospitalité montagnarde qui se manifestait à nous par une abondance variée de mets du pays, de friandises composées d’œufs et de lait, et de gâteaux de diverses espèces et d’autres provisions plus substantielles, selon les moyens des habitants, cette hospitalité, dis-je, tombait avec un peu trop de profusion sur Donald Mac Leish, sous la forme de cette liqueur spiritueuse appelée en Écosse la rosée des montagnes[1]. Pauvre Donald ! il était dans ces occasions-là, comme la toison de Gédéon, tout humecté du noble élément qui ne tombait pas sur nous, comme de raison. C’était son seul défaut. D’ailleurs lorsqu’on le pressait de boire le doch-andorroch[2] à la santé de milady, son refus aurait été pris en mauvaise part, et il était incapable de commettre une telle incivilité. C’était son unique défaut, je le répète, et nous n’avions aucun droit de nous plaindre ; car s’il en résultait pour nous un surcroît de paroles et d’histoires, sa politesse respectueuse en augmentait aussi, et le seul changement qui s’opérait en lui, c’est qu’il marchait plus lentement, et qu’il parlait plus longuement et en termes pompeux. Dans ces moments-là seulement, Donald prenait un air d’importance en parlant de la famille de Mac Leish ; et, en vérité, nous n’avions aucune raison de blâmer rigoureusement une faiblesse dont les conséquences étaient renfermées dans des limites aussi innocentes.

Nous nous accoutumâmes tellement aux manières de Donald et au système de conduite qu’il adoptait à notre égard pendant le voyage, que nous finissions par observer, avec une sorte de plaisir, l’art qu’il employait pour nous causer une surprise agréable, en nous laissant ignorer le lieu où il se proposait d’arrêter, lorsque ce lieu offrait quelque chose d’intéressant ou d’extraordinaire.

  1. Mountain dew, dit le texte, pour désigner l’eau-de-vie de contrebande. a. m.
  2. Phrase celtique pour exprimer l’usage de boire à la santé de quelqu’un à plein verre. C’est aussi une sorte de coup de l’étrier. a. m.