Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glais ; et, vu la position de sa sœur, leurs soupçons ne paraissaient pas sans fondements. Elles dépêchèrent donc un gentilhomme à Paris, où le prince était alors, et dont les instructions étaient d’insister pour qu’il éloignât pendant quelque temps mistress Walkinshaw, en la mettant dans un couvent. Mais son amant se refusa absolument à cette demande. M. M’Namara, le gentilhomme qui lui avait été envoyé, usa toute son éloquence à l’engager à se séparer de sa maîtresse. Les meilleures raisons et tout l’art de la persuasion échouèrent contre l’obstination du Chevalier. D’après ses instructions, M. M’Namara alla même jusqu’à lui déclarer que, s’il se refusait à ce qu’on demandait de lui, les plus puissants de ses amis d’Angleterre interrompraient immédiatement toute correspondance avec lui, ce qui entraînerait infailliblement la ruine complète de sa cause ; bien que, cela mis à part, cette cause fît tous les jours des progrès. Mais le prince fut inflexible, et toutes les prières et toutes les sollicitations de M. M’Namara furent sans effet. M. M’Namara resta à Paris quelques jours de plus qu’il ne lui était prescrit, cherchant à ramener le prince à de meilleurs sentiments ; mais, le trouvant obstiné à persévérer dans sa première réponse, il prit congé de lui, triste et indigné, et lui dit en sortant, « Qu’a fait votre famille Sire, pour que la vengeance du Ciel la poursuive ainsi dans tous ses membres, et pendant tant d’années ? » Il est digne de remarque que, dans le dernier entretien que M. M’Namara eut avec le prince, celui-ci déclara que ce n’était ni une violente passion, ni aucune considération particulière qui l’attachait à mistress Walkinshaw, et qu’il pourrait la voir s’éloigner de lui sans éprouver de chagrin, mais qu’il ne voulait recevoir de qui que ce fût un conseil relatif à sa conduite privée. Quand M. M’Namara fut de retour à Londres, et qu’il donna la réponse du prince aux personnes qui l’avaient envoyé, elles restèrent muettes d’étonnement. Cependant elles résolurent promptement ce qu’elles avaient à faire pour l’avenir, et se déterminèrent à ne pas servir plus long-temps un homme à qui on ne pouvait persuader de se servir lui-même, et qui aimait mieux mettre en danger la vie de ses meilleurs et plus fidèles amis, que de se séparer d’une femme de mauvaises mœurs, qu’il disait souvent n’aimer ni estimer. »

On voit clairement par cette anecdote, dont on ne peut mettre en doute la vérité, quel fut le principal défaut de Charles-Édouard. C’était une haute opinion de sa propre importance, et