Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/138

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mença à sauter, à cabrioler, à ruer tellement, que mon grand-père pouvait à peine se tenir en selle. — Sur quoi un cavalier qui accourut subitement à son côté, dit : « Vous avez là une bête bien vive, l’ami ; voulez-vous me la vendre ? » En parlant ainsi, il toucha de sa badine le cou du cheval, et le cheval reprit aussitôt son allure accoutumée, un trot fort paisible. — « Mais son ardeur se passe bien vite, il me semble, continua l’étranger ; c’est comme le courage de bien des gens qui se croient capables de faire de grandes choses jusqu’à ce qu’ils soient mis à l’épreuve. »

Mon grand-père écoutait à peine, et il piqua son cheval en lui disant : « On vous souhaite le bonsoir, l’ami ! »

Mais il paraît que l’étranger ne quittait pas aisément son monde ; car, si vite que galopât Steenie, si doucement qu’il lui plût d’aller, l’homme se mettait toujours au même pas que lui, et le suivait toujours. Enfin, mon grand-père commença moitié à se fâcher, et moitié, pour dire vrai, à s’épouvanter.

« Que me voulez-vous donc, l’ami ? dit-il. Si vous êtes un voleur, je n’ai pas d’argent ; si vous êtes un honnête homme cherchant la compagnie, je n’ai le cœur ni à la joie ni à la conversation ; et si vous avez besoin de connaître la route, je la connais à peine moi-même.

— S’il vous plaît de me conter vos peines, répliqua l’étranger ; je suis un pauvre diable qui, bien que fort maltraité lui-même dans ce monde, est capable d’aider ses amis. »

Mon grand-père, pour s’alléger le cœur plus que dans l’espoir d’aucune assistance, lui conta donc l’histoire depuis le commencement jusqu’à la fin.

« C’est une mauvaise affaire, dit l’étranger ; mais je crois que je puis vous secourir.

— Si vous pouvez me prêter la somme, monsieur, c’est consentir à un remboursement très-éloigné… et je ne connais pas d’autres moyens d’en sortir sur terre…

— Mais, sous terre, il peut s’en rencontrer. Allons, je serai franc avec vous. Je vous prêterais bien de l’argent, mais vous auriez sans doute scrupule d’accepter mes conditions. Or, je puis vous dire que votre vieux laird est troublé dans sa tombe par vos malédictions et les plaintes de votre famille, et… si vous osez aller le voir, il vous donnera votre quittance. »

Les cheveux de mon grand-père se dressèrent tout droits sur sa tête à cette proposition ; mais il réfléchit que son compagnon pou-