Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/147

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et j’eus les meilleurs maîtres que l’Angleterre et l’Écosse pouvaient fournir. Que d’années heureuses j’ai passées avec lui ! mais malheur à moi ! il suivit l’exemple de tant d’autres braves gens en 1745. — Je n’en dirai pas davantage. — Ma tête a toujours été un peu bouleversée depuis que je l’ai perdu ; et si je disais un mot de plus sur son compte, le diable m’enlève si j’aurais le cœur de jouer cette nuit. — Regardez donc mon jeune drôle, » reprit-il sur un ton tout différent, « vous devez voir maintenant les lumières de Brokenburn. »


LETTRE XII.

LE MÊME AU MÊME.


Je griffonnerai mon aventure jusqu’au bout, bien qu’elle vous puisse paraître un peu dénuée d’intérêt. Puissent les charmes de la narration, ou plutôt votre tendre amitié, suppléer à la mince importance du fond. Dupes de notre imagination, nous nous laissons abuser comme Malvolio[1] par les visions de notre propre cerveau ; mais nous avons du moins cet avantage sur les sages de la terre, que nous avons toute une provision de jouissances à notre disposition, et que nous pouvons nous préparer un banquet intellectuel sans beaucoup recourir aux objets extérieurs. C’est, à coup sûr, quelque chose de semblable au repas que les Barmécides servirent à Alnaschar ; et un pareil régime ne doit pas nous engraisser beaucoup. Mais encore, nous évitons ainsi cette réplétion et ces nausées qui suivent souvent des festins plus lourds et plus matériels. En somme je dis encore, avec l’ode aux châteaux en Espagne[2] :


Donnez-moi cet espoir qui rafraîchit le cœur ;
Donnez-moi la santé toujours fraîche et plus belle ;
Accordez-moi surtout les songes de bonheur,
Avec l’amitié pure, à mes besoins fidèle.


En dépit donc de votre sourire solennel et de votre sage hochement de tête, je continuerai à répandre autant de poésie que

  1. Personnage d’une pièce de Shakspeare. a. m.
  2. Castle Building, dit le texte. a. m.