Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/165

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Mon père, vous le savez, — soit dit avec tout le respect filial possible — est assez prolixe dans ses harangues. Je n’avais rien de mieux à faire qu’à tendre le dos et à écouter.

« Peut-être pensez-vous, Alan, que parce que j’ai sans contredit la direction de plusieurs affaires en litige que de respectables clients m’ont confiées, je puis penser à vous les jeter au nez instanter, et de la sorte vous fournir des pratiques, ainsi que mes petites relations et mon influence me le permettraient. J’espère sans nul doute pouvoir bien le faire un jour, mais encore, avant de donner, comme dit le proverbe, « mes appâts de poisson aux mouettes, » il faut, dans l’intérêt de ma propre réputation, que je sois bien sûr que la mouette puisse y mordre avec quelque profit. Qu’en dites-vous ?

— Je suis si loin de vouloir en venir promptement à la pratique de mon état, mon père, que je consacrerais volontiers quelques jours à…

— À une étude plus approfondie, voulez-vous dire, Alan. Mais ce n’est point là le nécessaire non plus : — il vous faut parcourir les hôpitaux, — guérir Lazare, — couper et tailler un sujet mort pour montrer votre habileté.

— Très-sûrement, je me chargerai avec plaisir de la cause du premier pauvre homme venu, et je me donnerai autant de peine pour gagner son procès que si c’était celui d’un duc ; mais il me faudrait deux ou trois jours.

— Pour étudier la cause, Alan, — oui, et en faire une étude approfondie ; car vous aurez l’avantage de prendre la parole, in prœsentia dominorum, mardi prochain.

— Moi, monsieur ! » répliquai-je avec étonnement : — « je n’ai pas encore ouvert la bouche devant une cour de juridiction inférieure.

— Ne vous occupez pas de la cour des gentils, mon cher ; — nous vous introduirons soudain dans le sanctuaire — tout chaussé — tout botté.

— Mais, mon père, je nuirais infailliblement à la cause qu’on me confierait avec tant de précipitation.

— Vous ne pouvez lui nuire, Alan, » répliqua mon père en se frottant les mains avec complaisance : « c’est la crème des affaires, mon cher ami ; — c’est précisément un sujet, comme je l’ai déjà dit, sur lequel tous les tyrones ont essayé leurs outils depuis quinze années ; et comme dix ou douze avocats s’y sont escrimés,