Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/178

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rare vivacité d’intelligence, jointe à l’habitude d’une étude longue et patiente, habitude contractée par lui, grâce à la discipline de la maison paternelle, à laquelle il se conformait avec la plus grande docilité, ne témoignant jamais le désir de prendre des délassements plus variés et plus nombreux que ne le permettaient les restrictions inquiètes et sévères de son père. Quand le jeune homme se laissait aller à des espiègleries de jeunesse, son père avait la candeur de rejeter tout le blâme sur son camarade plus hardi, Darsie Latimer.

Ce dernier, ainsi que le lecteur le sait déjà, avait été reçu dans la maison et presque dans la famille de M. Fairford, à une époque où la délicatesse de constitution qui avait abrégé la vie de mistress Fairford commençait à se montrer dans son fils ; par conséquent le respectable procureur était toujours disposé à satisfaire le moindre désir de son Alan. Le jeune Anglais était à même de payer une pension considérable, mais c’était un point sans aucune importance pour M. Fairford ; il suffisait que cette compagnie semblât rendre son fils heureux et gai. Il était forcé de convenir que « Darsie était un brave garçon, quoique fort léger. » Les craintes que l’étourderie du jeune homme inspirait à M. Fairford n’auraient pu cependant le décider à séparer Alan de son ami, sans la fantaisie aventureuse qui donna lieu à la correspondance précédente ; le père se réjouissait secrètement de l’éloignement de Darsie, qui devait se prolonger au moins jusqu’à ce que le jeune avocat eût contracté les habitudes de sa sèche et laborieuse profession, et qu’il se fût accoutumé à en remplir les devoirs.

Mais l’absence de Darsie fut loin de produire ce que le père d’Alan avait attendu et désiré. Les jeunes gens étaient unis par les liens de la plus étroite amitié, d’autant plus que ni l’un ni l’autre ne songeait à faire de nouveaux amis. Alan Fairford, en général, n’aimait pas la société par suite d’un caractère naturellement réservé, et Darsie Latimer la fuyait par le sentiment pénible de son origine inconnue, position particulièrement affligeante dans un pays où grands et petits sont généalogistes de profession. Ces jeunes gens étaient tout l’un pour l’autre : il n’était donc pas étonnant que leur séparation fût pénible, et que son effet sur Alan Fairford, joint à l’inquiétude occasionnée par le contenu des lettres de son ami, excédât de beaucoup ce qu’en avait prévu M. Saunders. Le jeune étudiant remplissait ses devoirs,